Entre protection de lenfant et droit des familles, rupture ou maintien des liens
Considéré comme un être qui « manque de maturité physique et intellectuelle », lenfant a besoin dune protection spéciale et de soins spéciaux. Et cest dans son cadre familial, milieu naturel de vie, quil a les meilleures chances de sépanouir harmonieusement.
Cependant, la société se réserve le droit dintervenir de manière exceptionnelle si lintérêt de lenfant le requiert. A ce jour, divers moyens légaux existent pour protéger lenfant. Mais il nen a pas été toujours ainsi.
Le problème de la maltraitance des enfants par leurs parents était ignoré du Code Napoléon. Il nexistait aucune législation tendant à limiter lexercice de la puissance paternelle. De plus, le père disposait dun pouvoir absolu à légard de ses enfants, notamment dun droit de correction organisé par le Code civil et ce, jusquen 1945.
Aussi, dans le silence des textes, les tribunaux civils, confrontés à la nécessité de contrôler la puissance paternelle et ne pouvant retirer aux parents un droit qui leur était conféré par la loi, étaient amené à agir non sur le droit lui-même mais sur son exercice. Ils privaient les pères de lexercice de certains attributs de la puissance paternelle, tel que le droit de garde, et le confiaient à la mère ou à un tiers.
Cest par la loi du 7 décembre 1874 que les juridictions répressives ont eu la faculté de prononcer la déchéance en même temps quune peine correctionnelle contre des parents coupables davoir livré leurs enfants à des saltimbanques, de les avoir placés sous la conduite de vagabonds ou gens sans aveu ou de les avoir livrés à la mendicité habituelle.
Ensuite, la loi du 24 juillet 1889 organisait le 1er régime de « protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés » par leurs parents. Liée à un comportement gravement fautif des parents, la déchéance y était conçue comme une peine. Pour cette raison, cette sanction était obligatoire et totale : elle portait dune part sur tous les attributs tant patrimoniaux que personnels se rattachant à la puissance paternelle ; dautre part elle entraînait la perte de la puissance paternelle sur tous les enfants nés ou à naître. Devant sa gravité, les tribunaux hésitaient à la prononcer. Ils préféraient souvent agir comme par le passé sur lexercice de la puissance paternelle.
Elle fut donc assouplie à plusieurs reprises, notamment par lordonnance du 23 décembre 1958 sur lassistance éducative avant dêtre abrogée par la loi du 4 juin 1970 sur lautorité parentale qui la fit revivre différemment.
Cette mesure judiciaire est loin dêtre la seule. De plus, il existe des mesures administratives. Il sensuit que le monde de la protection de lenfance est un monde complexe, où les situations sont chargées démotions souvent fortes, où les problématiques sont difficiles à analyser, où les interventions sont souvent délicates, sentrecroisent, où il faut concilier des pratiques sociales, éducatives, psychologiques ou juridiques qui nutilisent pas les mêmes schémas de pensée.
Il faut entendre par carences éducatives, les négligences graves dans léducation de lenfant, à savoir :
- absences de limites ou limites inadaptées
- défaut de soins : privation ou insuffisance grave dapport nécessaire au développement physique : nourriture, hygiène, vêtement, logement, surveillance, traitements médicaux
- carences parentales : rejet - abandon
Plusieurs séries de mesures de protection peuvent être prises, quelles soient administratives ou judiciaires dont la finalité est :
- soit de maintenir lenfant dans sa famille
- soit de le confier à un tiers.
Le principe est le maintien de lenfant dans sa famille chaque fois que cela est possible.
Dans lun et lautre cas, les mesures peuvent être :
- soit sollicitées par les parents
- soit imposées aux parents.
a
Lenfant maintenu dans sa famille
La majorité des enfants restent dans leur famille. Pour cela, ils sont pris en charge par lASE et bénéficient dune aide à domicile qui comporte, ensemble ou séparément (art. 43 CFAS), outre
- lintervention dune travailleuse familiale ou dune aide ménagère
- et le versement daides financières,
- de lintervention dun service daction éducative.
Cest une mesure de soutien apportée par une équipe éducative à un enfant et à ses parents sans quil y ait placement. Elle vise à favoriser le maintien du mineur dans son milieu. Cette mesure est soit administrative, soit judiciaire.
Cette mesure peut être décidée :
-
soit par le président du conseil général. On parle alors dAED,
action éducative à domicile. Le terme AEMO concerne que les
mesures judiciaires (art.
Le 1er acte est le « signalement » au service dune situation difficile qui provient de parents, du voisinage, de lécole, de la police Il donne lieu à une évaluation. La décision doit être notifiée aux parents, avec indication de sa durée, du travailleur social chargé de lexercer et des voies de recours. Les parents peuvent sy opposer et peuvent également demander quil y soit mis fin.
-
soit par le juge des enfants au titre de lassistance éducative
(art. 375-
Il peut aussi subordonner le maintien de lenfant dans son milieu à des obligations particulières telles que celle de fréquenter régulièrement un établissement sanitaire ou déducation ou dexercer une activité professionnelle.
Quelle soit décidée par le président du conseil général ou par lautorité judiciaire, cette aide à domicile a un contenu variable et évolutif. La caractéristique est que lenfant reste dans son milieu familial et y exerce ses activités habituelles. Cest lintervenant social qui lui rend visite, le convoque, répond à ses demandes.
Dans tous les cas, il dagit dune mission confiée par les pouvoirs publics à un service. Cest pourquoi elle donne lieu à des évaluations et comptes rendus périodiques.
Toute décision fixe la durée de la mesure ou un objectif pédagogique. Elle prend donc fin :
- lorsquelle est arrivé au terme fixé et quelle nest pas reconduite
- par décision du président du conseil général ou du juge des enfants lorsque lobjectif est atteint ou à la demande de la famille pour les AED.
Lorsque laide à domicile nest pas la mesure adaptée, lenfant peut être confié à un tiers.
b
Lenfant confié à un tiers
Lorsque lenfant en difficulté ne peut être maintenu dans son milieu de vie habituel, plusieurs orientations peuvent être envisagées tendant à le confier à un tiers : accueil provisoire, accueil durgence, placement par décision de justice, délégation dautorité parentale, retrait dautorité parentale, tutelle dEtat.
1)
laccueil temporaire de lenfant (art.
L. 222-5 al.1 CASF)
La loi du 4 juin
Cest un enfant que ses parents confient au service ASE à la suite de difficultés momentanées et qui ne peut provisoirement être maintenu dans son milieu de vie habituel.
Il sagit dun accord entre le service ASE et les parents. Le service ASE a la charge de pourvoir à lensemble des besoins de leur enfant, mais en collaboration avec eux. Il peut demander aux parents de lui rendre visite et même de le reprendre si sa situation sest améliorée. Les parents peuvent reprendre leur enfant à tout moment.
· Les conditions
Ladmission à lASE est soumise à des conditions de fond et à des conditions de forme.
Concernant les conditions de fond :
- lenfant doit se trouver dans une situation de besoin quil soit éducatif ou affectif
- aucune condition de nationalité
- aucune condition de ressources. Toutefois, une participation peut être demandée à la famille.
- seule intervient une condition dâge : en principe un mineur non émancipé. Possibilité de prendre en charge de jeunes majeurs entre 18 et 21 ans sur une base contractuelle (décret 2.12.75 officialisé par la loi du 6.01.86 : art. L. 222-5 CASF).
Concernant les conditions de forme :
- droit à linformation : Cette information porte notamment sur les aides de toute nature instituées pour assurer la protection de la famille et de lenfance avec lindication des organismes qui les dispensent ainsi que les conséquences ; les droits et devoirs afférents à lautorité parentale ; le droit daccès aux dossiers et documents administratifs fixé par la loi du 17 juillet 1978 ; les dispositions des articles 55-1 et 58 du CFAS devenus L. 223-2 et L. 223-4 CASF ; les nom et qualité de la personne habilitée à prendre la décision.
- droit dêtre accompagné par la personne de son choix. Cela sapplique tant aux parents quaux enfants.
- droit dêtre associé aux décisions de placement. Aucune décision sur le principe ou les modalités de ladmission dans le service de lASE ne peut être prise sans laccord écrit du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même sil est mineur émancipé (art. L.223-2 CASF). Le formulaire doit mentionner :
- le mode de placement et, selon le cas, les nom et adresse de lassistante maternelle, ou lindication de létablissement, ainsi que le nom du responsable de cet établissement ;
- la durée du placement ;
- les modalités suivant lesquelles sera assuré le maintien des liens entre lenfant et ses parents, et notamment les conditions dans lesquelles ils exerceront leurs droits de visite et dhébergement ;
- les noms des personnes autorisées à entretenir des relations avec lenfant et les conditions dexercice de celle-ci ;
- leur participation financière à la mesure ;
- les noms et qualité des personnes chargées dassurer le suivi du placement et les conditions dans lesquelles elles lexercent ;
- les conditions de révision de la mesure.
· La décision dadmission
La décision revient au président du conseil général du département où la demande est présentée.
Cette décision est une mesure de prévention administrative à caractère éducatif. Ce nest pas un contrat daccueil, terme impropre souvent employé mais un acte administratif unilatéral du président du conseil général.
Il sensuit que la décision doit être :
-
motivée
-
notifiée au demandeur. La notification doit toujours
mentionner les délais et modalités de mise en uvre des
voies de recours. Le silence gardé par lautorité
administrative pendant plus de 2 mois vaut décision de rejet (art.
- susceptible de recours administratifs : 3 voies de recours sont ouvertes au bénéficiaire contre les décisions dadmission ou de refus dadmission
- un recours gracieux devant lautorité qui a pris la décision
- un recours hiérarchique auprès du président du conseil général sil a délégué sa signature
- un recours contentieux devant le tribunal administratif
Les recours gracieux ou hiérarchique permettent un réexamen au fond, cest-à-dire en opportunité de la décision, et celle-ci peut être confirmée, modifiée ou annulée, éventuellement après une ré-instruction de la demande. Cela demeure à lappréciation de lautorité sociale.
Le recours contentieux ne permet quun contrôle de légalité de la décision, mais qui portera précisément sur le respect des procédures dattribution des prestations telles quelles sont fixées par le CFAS et le décret susvisé.
Toutefois, sur le fond, il nest pas exclu que le tribunal relève une erreur manifeste dappréciation.
Si lenfant est déjà admis dans le service, pour toute décision de changement, laccord écrit est demandé aux parents par lettre recommandée avec accusé de réception.
En cas de non-opposition de leur part, il est réputé acquis dans un délai de quatre semaines sils ont accusé réception de la demande, de six semaines à compter de la date denvoi du service sils ne lont pas fait.
Les parents conservent la totalité de lautorité parentale. Il sensuit :
- quils ont un droit de visite et de correspondance,
- quils sont seuls habilités à prendre les décisions importantes.
Laccueil prend fin par reprise des parents ou à la majorité.
- par reprise des parents : ils y ont droit à tout moment. Le service ne peut y faire obstacle. Sil savérait que cette reprise peut mettre la santé, la sécurité ou la moralité de lenfant en danger ou compromettrait les conditions de son éducation, le service devrait signaler aux autorités judiciaires. Il est important de préciser que le seul refus de collaboration dune famille avec le service de lASE ne peut constituer un argument suffisant pour justifier une décision de signalement judiciaire. Encore faut-il que lenfant soit en danger.
- à la majorité, avec prolongation possible jusquà 21 ans.
La mesure ne peut être prononcée que pour une durée maximum dun an (art. L. 223-5 CASF).
2)
laccueil durgence (art. 56 al.2
CFAS)
La loi a prévu des modalités particulières pour la situation durgence, à savoir la saisine du procureur.
« En cas durgence
et lorsque le représentant légal est dans limpossibilité
de donner son accord, lenfant est recueilli provisoirement
par le service qui en avise immédiatement le procureur de
3)
le placement par décision de justice
Deux magistrats peuvent prendre la décision
de retirer un enfant de son milieu familial et de le confier à
un tiers : le juge des enfants et le procureur de
Autre mesure que
peut prendre le juge des enfants dans le cadre de lassistance
éducative : le placement de lenfant. Toutefois, le
maintien du mineur dans son milieu actuel doit être privilégié.
Lorsquil est nécessaire de retirer lenfant de son milieu actuel, le juge des enfants peut le confier :
soit au parent qui nexerçait pas lautorité parentale ou chez lequel il navait pas sa résidence habituelle ;
soit à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;
soit à un services ou à un établissement sanitaire ou déducation, ordinaire ou spécialisé ;
soit à un service départemental de lASE.
Ce placement
peut, le cas échéant, être accompagné dune mesure dAEMO
à lexclusion des hypothèses où le mineur est confié au
service de lASE (art. 375-
Le juge des enfants peut assortir la remise de lenfant, des mêmes obligations particulières. Il peut aussi décider quil lui sera rendu compte périodiquement de la situation de lenfant.
Les parents
conservent sur leur enfant leur autorité parentale et en
exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec lapplication
de la mesure. Si lenfant a été placé, ils conservent un
droit de correspondance et un droit de visite. Le juge des
enfants peut suspendre provisoirement lexercice de ces
droits ou lun deux si lintérêt de lenfant
lexige (art. 375-
Enfin, le juge des enfants peut, pendant linstance, à titre provisoire mais à charge dappel, décider le placement provisoire de lenfant (art. 375-5 al.1 C. civ.).
Ladmission à lASE sur décision de justice nécessite lavis écrit (et non plus laccord) du représentant légal préalablement au choix du mode et du lieu de placement et à toute modification apportée à cette décision.
· placement provisoire décidé par le parquet (art. 375-5 al.2 C. civ.)
Le parquet joue un rôle actif tout au long de la procédure dassistance éducative. En tant que partie principale à la procédure, il peut se faire communiquer à tout moment le dossier (art. 421 et suiv. NCPC).
En cas durgence, il peut placer un mineur trouvé dans son ressort, à charge pour lui de saisir le juge des enfants compétent dans les 8 jours, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure.
Cette mesure doit rester exceptionnelle et être liée à limpossibilité pour le juge des enfants dintervenir immédiatement. Elle nest pas susceptible dappel.
Lorsquil y a carences éducatives,
une mesure de protection simpose. De même, il y a lieu à
faire un travail pour maintenir ou restaurer le lien parent/enfant.
4)
la délégation de lexercice de lautorité
parentale
Le Code civil organise 2 cas de délégation directe :
- la délégation volontaire demandée par le ou les parents
- la délégation imposée aux parents.
Elles ont fait récemment lobjet dune réforme (Loi du 4.03.02 relative à lautorité parentale). La nouvelle loi répond en partie aux préoccupations relatives à la situation du tiers qui prend en charge un enfant en assouplissant les conditions de la délégation parentale et instaurant un partage de lexercice entre les parents et le tiers délégataire.
Comme son nom lindique, la délégation ne touche quà lexercice du droit des père et mère et est confiée à un juge unique, le juge aux affaires familiales.
·
la délégation volontaire
Désormais, la délégation volontaire est possible quel que soit lâge de lenfant (avant 16 ans). De plus, elle nest plus subordonnée à la remise de celui-ci à un tiers et à une requête conjointe des délégants et du délégataire.
Elle pourra donc être demandée à partir du moment où les circonstances lexigent. Le texte prévoit explicitement que le délégataire peut être désormais, outre un établissement agréé pour le recueil des enfants ou le service départemental de lASE, un membre de la famille ou un proche digne de confiance (art. 377 al.1 C. civ.).
La demande des parents peut comme avant porter sur une délégation totale ou partielle de leur autorité parentale.
Ce qui est nouveau, cest que le
jugement peut désormais prévoir, pour les besoins de léducation
de lenfant, que les père et mère, ou lun deux,
partageront tout ou partie de lexercice de lautorité
parentale avec le tiers délégataire. Le partage nécessite laccord
du ou des parents en tant quils exercent lautorité
parentale (art. 377-
Ce partage de lexercice de lautorité parentale constitue un changement notable du droit de lautorité parentale. En effet, plusieurs personnes exerceront les prérogatives parentales en même temps, ceci afin dinstaurer une coopération entre parents et tiers délégataire. En pratique, tout dépendra de létendue des droits partagés : actes usuels ou actes graves.
·
la délégation forcée
Les modifications apportées par la loi du 4.03.02 :
- plus de référence dâge (16 ans)
- procédure plus souple, à savoir plus de mention du délai de désintéressement (1 an) ;
- plus de mention de remise de lenfant au délégataire.
Les conditions désormais exigées (art.
377 al.
- le désintérêt manifeste
- ou si les parents sont dans limpossibilité dexercer tout ou partie de lautorité parentale. Elément nouveau, ce peut-être léloignement ou la maladie (prison, troubles mentaux)
- le recueil de lenfant par un particulier, un établissement ou le service de lASE.
Cest donc une mesure qui peut être :
- prononcée à linitiative du délégataire
- et fondée sur la situation de lenfant recueilli par un tiers.
Quant aux effets, ils sont identiques à ceux de la délégation volontaire.
La volonté des parents est présumée à partir de leur indifférence. Ce désintérêt doit exister et être volontaire. La preuve en incombe au délégataire.
Cest une question de fait laissée à lappréciation souveraine des juges du fond. Ceux-ci retiennent labsence totale de relation entre lenfant et le parent exerçant lautorité parentale.
Lorsque des
relations épisodiques ont eu lieu, les magistrats les analysent
minutieusement pour en apprécier le caractère suffisant. Ainsi,
Dans le même sens, 1 ou 2 lettres adressées en 1 an par la mère et un appel téléphonique remontant à 2 ans de la part du père titulaire de lautorité parentale permettent daffirmer le désintérêt des parents.
Le désintérêt sapprécie à la date de la présentation de la requête.
La délégation est une sanction du désintérêt volontaire. Cela dit, le JAF doit vérifier que la délégation demandée est conforme à lintérêt de lenfant.
Ce dernier, même âgé de plus de 13 ans,
na pas à consentir à cette délégation voulue par ses
parents ou imposée à ses parents. Néanmoins, sagissant dune
procédure qui le concerne, il peut être entendu conformément
à lart. 388-
Les carences éducatives peuvent aller jusquau rejet, voire à labandon de lenfant. Cest alors vers une autre procédure quil convient de sacheminer, laction en déclaration dabandon qui ouvre à lenfant la voie de ladoption.
5)
laction en déclaration dabandon
(art.
Lart.
La création de cette catégorie denfants adoptables a constitué une importante innovation de la loi du 11 juillet 1966 en permettant de suppléer labsence de consentement à ladoption pour des enfants délaissés de fait, progressivement « oubliés » par des parents qui ne sen occupent pas.
Cette disposition concerne tout enfant élevé en dehors de son foyer familial, que la séparation davec ses parents ait été au départ, volontaire ou imposée par une décision judiciaire.
La mise en uvre est subordonnée à lexistence dun désintérêt manifeste, signe dun abandon de fait de la part des parents. Un simple manque dintérêt de la part des parents ne suffit pas.
Lalinéa 2
de lart.
Suivent dans lalinéa 3, quelques exemples non exhaustifs de marques insuffisantes dintérêt :
- « la simple rétractation du consentement à ladoption
- la demande de nouvelles
- lintention exprimée mais non suivie deffet de reprendre lenfant. »
Dune manière générale, le défaut dattitude positive à légard de lenfant, des tentatives sans lendemain pour le voir, ne constituent pas des marques dintérêt suffisantes.
Les tribunaux décomptent le rythme des visites et considèrent que la fréquence daucune en 4 ans ou dune par année ne permet pas de maintenir des liens affectifs.
De même, 3 ou 4 lettres par an adressées à la nourrice dans lesquelles la mère ne se soucie que très peu de lenfant ne constitue pas des marques dintérêts suffisantes.
Notion de fait, le désintérêt manifeste relève de lappréciation souveraine des juges du fond.
Lenfant ne peut être déclaré abandonné si un membre de la famille demande à en assumer la charge et si cette demande est conforme à son intérêt.
Quant aux conséquences, le jugement déclaratif dabandon :
- rend lenfant adoptable sans que ses parents aient à consentir à ladoption
- impose au tribunal de déléguer par la même décision les droits dautorité parentale.
Cette situation
était initialement irrévocable.
Quand le parent rejette de fait son
enfant jusquà être prêt à labandonner,
paradoxalement pour le protéger, pas dacharnement sur ce
lien. Il convient de prendre acte de la situation sans exposer lenfant.
II
SANS CRUAUTE MENTALE ET SANS INTENTION DE NUIRE A LENFANT
·
Définition
Contrairement aux carences qui signifient un manque, une abstention, une omission, il sagit là dactes positifs qui font violence aux enfants sans lélément intentionnel, comme par exemple gifles, fessées.
Carences et violences éducatives peuvent toutes deux, mettre lenfant en danger.
·
Mesures
Quand il y a violences éducatives sans cruauté mentale et sans intention de nuire à lenfant, nous devons avoir un double souci : protéger lenfant et protéger le lien avec un travail sur le lien.
Certaines mesures de protection précitées, quelles soient administratives ou judiciaires, quelles soient demandées par les parents ou imposées aux parents peuvent trouver ici application, comme :
- laccueil temporaire
- une mesure dassistance éducative.
La limite des compétences entre une mesure daction sociale préventive et une mesure judiciaire est que le juge nest compétent quen cas de danger et de conflit.
Si le critère légal
est celui du danger, il est insuffisant. En effet, lart.
Il sensuit que lintervention du juge des enfants nest que facultative. Laide doit dabord être apportée par le département, à travers le service de lASE. Ce nest quà titre subsidiaire que le juge des enfants doit intervenir, le justice nayant pas pour mission de mettre en place des interventions purement sociales demandées ou acceptées par les parents.
Pour quil y ait assistance éducative, il faut justifier dune défaillance parentale. Cela signifie que ce nest pas automatique et quil faut dabord mobiliser lautorité parentale, lentourage familial et social, laide sociale préventive. Ce nest quen cas de carence de ces moyens quelle doit intervenir.
Le seul refus de collaboration dune famille avec le service de lASE ne peut constituer un argument suffisant pour justifier une décision de signalement judiciaire.
Même si une procédure est ouverte, le juge des enfants doit apprécier les capacités de cette famille à mettre fin elle-même à la situation dangereuse, à savoir reconnaît ses difficultés et dispose elle-même de la volonté et des moyens efficaces pour mettre fin au danger.
La pratique démontre que dans bien des cas les parents et les enfants arrivent à mobiliser des ressources considérables et efficaces. Dès lors, la demande dintervention judiciaire peut ne pas être justifiée. Il arrive également fréquemment que la famille se mobilise avant même de rencontrer le juge des enfants, ne serait-ce que pour éviter une intervention judiciaire.
En conclusion, il ne suffit pas que la famille ait besoin dune intervention extérieure pour que celle du juge des enfants se justifie. Car en amont de lintervention judiciaire interviennent de multiples services qui ont pour mission daider les familles en difficultés.
·
saisine du juge des enfants (art.
Elle peut se faire :
- par requête :
. père et mère conjointement ou lun deux
. personne ou service à qui lenfant a té confié
. tuteur
. mineur quel que soit son âge
procureur de
- auto-saisine :
. à titre exceptionnel
·
procédure de signalement dun enfant en danger
Si certains requérants limitativement énoncés
à lart.
Signalement est le terme employé pour désigner
linformation au procureur de
Le procureur de
- classer le dossier sans suite
- ordonner des investigations
- saisir le juge des enfants sil pense que le danger existe
Pour répondre à ce double souci : protéger lenfant sans rompre le lien, une des mesures préconisées, est de maintenir les droits de visite du parent auteur de violences éducatives, en prenant la précaution quils sexercent dans un lieu neutre et protégé.
·
Définition
Il existe 3 formes de maltraitance :
- physique : coups ou actes entraînant des ecchymoses, coupures, brûlures, fractures, lésions drogues, médicaments, boissons alcoolisés administrés à lenfant et pouvant lui nuire.
- psychologique : dénigrer en permanence lenfant, le menacer dabandon ou de graves représailles corporelles, cruauté mentale.
- abus sexuels : tout contact sexuel entre un adulte et un enfant, entre un enfant plus âgé et un plus jeune, ayant pour objet la satisfaction sexuelle du 1er.
·
Les mesures de protection
Là, lenfant victime a révélé aux autorités judiciaires, soit directement, soit indirectement, des faits graves de maltraitance commises sur sa personne et qui constituent une infraction pénale.
Cette révélation le met en danger.
La priorité : protection effective de lenfant dans son corps et dans sa pensée. Celle-ci peut être obtenue de diverses manières. Le choix sera fonction de la situation familiale.
1ère situation : lauteur présumé des sévices est en détention provisoire et lautre parent a une attitude protectrice, aidante pour la victime.
En ce cas, il ny a pas lieu à retirer lenfant victime de son lieu de vie. Tout au plus, on peut préconiser une AEMO judiciaire et une aide psychologique, tant pour lenfant que pour sa famille.
2ème situation : lauteur présumé des sévices est en détention provisoire mais le second parent a pris fait et cause pour son conjoint.
En ce cas, il convient de retirer lenfant de son milieu familial où il est rejeté, culpabilisé, où il subit des pressions, des menaces pour quil se rétracte. Ce placement peut éventuellement perdurer après le jugement.
3ème situation : lauteur présumé est en liberté sous contrôle judiciaire. Généralement, cette mesure est accompagnée de contraintes notamment de ne pas entrer en contact avec la victime, de quelque manière que ce soit. En cas de non respect de cette obligation, il convient dinformer le juge dinstruction qui peut mettre ou remettre en détention lauteur présumé.
Outre la protection de la personne de lenfant victime, il y a la protection dautres intérêts qui passe nécessairement par un procès pénal dont la finalité est la constatation et la sanction de linfraction pénale.
Afin de favoriser
la coordination entre les magistrats, la cohérence des mesures
prises pour protéger lenfant victime et le procès pénal,
le législateur en
De plus, ils doivent lui communiquer toutes pièces utiles si une mesure dassistance éducative est ouverte (art. 706-49 CPP).
·
les intérêts dun procès pénal
-
les intérêts à court et moyen terme
A travers ce procès pénal et plus particulièrement lorsque le tribunal entre en voie de condamnation, cela permet de déculpabiliser lenfant, de lui dire quil nest pas responsable des actes et paroles de ses parents, de la peine demprisonnement. Cela permet de resituer chacun à sa place.
Mais ce statut de victime au sens juridique du terme, lenfant ne laura que sil est partie à la procédure. Pour ce faire, il doit être représenté, étant juridiquement incapable dagir seul en lespèce.
Si aucun représentant
légal ne peut ou ne veut le représenter, le législateur a donné
pouvoir à certains magistrats - procureur de
Lorsque les faits sont particulièrement graves, ladministrateur ad hoc pourra demander à la juridiction répressive, le retrait total ou partiel de lautorité parentale.
Sanction prononcée contre des parents fautifs, elle constitue principalement une mesure de protection organisée dans lintérêt de lenfant.
Le retrait de lautorité parentale est une mesure grave en ce sens quelle porte sur la titularité même des droits des père et mère qui sont confisqués. Cependant, cet aspect est atténué par sa portée variable et révisable.
Le retrait total porte sur tous les attributs tant patrimoniaux que personnels se rattachant à lautorité parentale.
Le retrait partiel est limité à certaines prérogatives.
Son opportunité est laissée à lappréciation du tribunal qui la prononce.
Lart.
Pour être recevable, leur requête doit respecter 3 conditions :
- lenfant ne doit pas avoir été placé en vue de ladoption
- la requête en restitution de lautorité parentale doit être justifiée par « des circonstances nouvelles » comme par exemple la sortie de prison du parent détenu et qui semble sêtre amendé.
- une condition de délai : 1 an au plus tôt après que le jugement soit devenu irrévocable.
En cas de rejet, elle ne pourra être renouvelée quaprès une nouvelle période dun an.
-
lintérêt à long terme
Il existe un autre intérêt qui se situe à plus long terme : la protection des générations futures.
En effet, tout
ascendant peut se prévaloir des dispositions de lart. 371-
Ce droit est applicable quel que soit lendroit où vit lenfant et quelles que soient les personnes à qui il est confié.
Il sensuit que laction en revendication doit être exercée par les ascendants à lencontre des parents, seuls titulaires de la prérogative dautorité parentale et non contre le service éducatif qui na pas juridiquement pris la décision de leur opposer un refus. Mais le service éducatif peut être appelé à linstance pour donner son avis et sera tenu dappliquer la décision judiciaire.
Compétence exclusive du juge aux affaires familiales.
« Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce droit », comme par exemple, un climat violent, des attouchements sexuels ou viol.
Ainsi, le procès du parent permettra par la suite de sopposer au droit de visite et dhébergement envers leurs petits-enfants.
·
après la majorité
Une fois devenue majeure, la victime dispose sous certaines conditions de plusieurs actions :
- laction civile devant une juridiction répressive
- laction en responsabilité civile devant une juridiction civile
- le changement de nom
·
laction civile
« En matière de crime, laction publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il na été fait aucun acte dinstruction ou de poursuite »
Par dérogation à cette règle de droit commun, « Le délai de prescription de laction publique des crimes commis contre des mineurs ne commence à courir quà partir de la majorité de ces derniers » art. 7 CPP.
Il sensuit que lorsquune victime a fait lobjet dun viol durant sa minorité et que lauteur na pas été inquiété, elle a jusquà 28 ans pour porter plainte.
« En matière de délit, la prescription de laction publique est de trois années révolues ».
De même, par dérogation à cette règle de droit commun, « Le délai de prescription de laction publique de certains délits commis contre des mineurs ne commence à courir quà partir de la majorité de ces derniers ».
« Par dérogation aux dispositions du 1er alinéa, le délai de prescription est de 10 ans lorsque la victime » est un mineur de 15 ans et quil sagit :
- dagressions sexuelles autres que le viol
- et datteinte sexuelle avec violence, contrainte et menace
commises sous certaines conditions (art. 8 CPP).
Il sensuit que lorsquune victime a fait lobjet dune atteinte ou dune agression sexuelles durant sa minorité et que lauteur na pas été inquiété, elle a jusquà 28 ans pour porter plainte.
Pour les violences correctionnelles, ladministration de substances nuisibles, agression sexuelle, proxénétisme, corruption de mineur, atteinte sexuelle, le délai de prescription est de 3 ans et ne commence à courir quà partir de la majorité.
Cela dit, il nest pas nécessaire dattendre la majorité pour agir.
·
laction en responsabilité civile
Action en réparation dun dommage menée devant une juridiction civile.
Le délai de
prescription pour agir est de 30 ans (art.
·
le changement de nom
Autre action en
droit qui sous-entend une rupture définitive avec sa famille, cest
le changement de nom. La demande sera recevable si la personne
justifie dun intérêt légitime (art.
- Pierre VERDIER : Guide de lASE, éd. Dunod
- Jean-Marc Lhuillier : Guide de lASE, ed. Berger-Levrault, 6e édition
- Pierre VERDIER : Lexicode de lASE. Textes législatifs et réglementaires, éd. Bayard
- Michel HUYETTE : Guide de la protection judiciaire de lenfant, éd. Dunod, 2e édition.