Les dossiers de Chrysallis

Evolution du droit en matière de protection de l’enfance

 

 

Considéré comme un être qui « manque de maturité physique et intellectuelle », l’enfant a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux. Et c’est dans son cadre familial, milieu naturel de vie, qu’il a les meilleures chances de s’épanouir harmonieusement.

Cependant, la société se réserve le droit d’intervenir de manière exceptionnelle si l’intérêt de l’enfant le requiert. A ce jour, divers moyens légaux existent pour protéger l’enfant mais il n’en a pas été toujours ainsi.

 

 

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, la famille est un espace privé obéissant à ses lois internes et l’Etat s’interdit de franchir les portes de la maison soumise à la puissance du père, parce que celle-ci est au fondement même de l’ordre social.

 

Dans l’ancienne Gaule, l’enfant était subordonné à la toute puissance paternelle et le père avait un droit de vie et de mort sur lui. Cependant, sous l’influence de l’église, des mesures en faveur de l’enfant vont se multiplier. En 781, Charlemagne charge les « missi dominici » de veiller à la protection de l’enfant et plus tard, les chevaliers se feront les défenseurs de la veuve et de l’orphelin.

 

La Révolution marquera une avancée dans les droits de l’enfant. La puissance paternelle sera remise en cause, étant l’image du despotisme. Citons Cambacérès :

En 1793, il a déclaré : « Il n’y a plus de puissance paternelle. C’est tromper la Nation que d’établir des droits par la contrainte ».

En 1794 : « Les premiers tuteurs sont les père et mère. Qu’on ne parle donc pas de puissance paternelle. Loin de nous ces termes de plein pouvoir, d’autorité absolue, formule de tyran, système ambitieux que la nature indignée repousse, qui n’a que trop déshonoré la tutelle paternelle en changeant la protection en domination, les devoirs en droits et l’amour en empire ».

Et en l’an IV devant les Cinq-Cents, il s’est écrié en ces termes : « trop longtemps, on a regardé comme une puissance un devoir de protection que la nature grava dans nos âmes… Un pouvoir d’administration avait tourné au profit exclusif de l’administrant ».

Pour Danton, « Les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents ».

 

Ces positions impliquèrent de nombreuses réformes, notamment :

-                      la limitation de la puissance paternelle. Avant, elle durait jusqu’à la mort du pater familias. Dorénavant : « Les majeurs ne seront plus soumis à la puissance paternelle. Elle ne s’étendra que sur la personne des mineurs ». décret 21 août 1791. De plus, la majorité passe de 25 à 21 ans (loi 20 septembre 1792).

-                      abolition des lettres de cachet, c’est-à-dire le droit de correction paternelle (26 mars 1790). Droit de correction restauré dans le Code civil de 1804 (art. 376).

-                      institution de tribunaux de famille chargés de rétablir la concorde entre parents et enfants avec toutefois possibilité d’interner l’enfant qui crée des « sujets de mécontentement » à son père.

-                      obligation pour la nation de s’occuper des enfants abandonnés (loi 28 juin 1793) : reconnaissance du droit à la survie.

 

 

 

Bien que le Code civil de 1804 ait consacré un absolutisme de la puissance paternelle, sans aller cependant jusqu’à un droit de vie ou de mort sur l’enfant, se développe à partir du XIXème siècle, un mouvement en faveur de l’enfant qui se traduit par une montée du pouvoir de l’Etat et un recul du pouvoir du père.

 

 

Droit de l’enfant à une survie

 

La société reprendra à son compte le droit de l’enfant à une survie, initié en 1793. Un décret impérial du 19 janvier 1811 crée la notion de pupille dont l’éducation est confiée à la charité publique, puis à des services départementaux d’aide à l’enfance par la loi du 27 juin 1904.

 

 

Droit à une protection dans ses conditions de travail

 

Avec l’avènement de la société industrielle, l’enfant devient productif. Son agilité et sa petite taille sont largement utilisées, parfois dès l’âge de 4 ans. Suite à une grande enquête menée par le docteur Villermé auprès d’enfants de 5 à 15 ans qui constata une grade misère physique et morale, plusieurs mesures furent prises.

Les premières (décret du 31 janvier 1813 – loi du 22 mars 1841) n’ont pas été appliquées, les parents ayant besoin du salaire de leurs enfants. Leur élaboration fut également difficile. Lors d’un débat à la Chambre des députés le 15 juin 1839, le rapporteur M. Billaudel, estimait que « les sympathies pour des êtres souffrants et malheureux » ne doivent faire oublier ni « les libertés de commerce et de l’industrie », ni « le respect pour l’autorité paternelle ».

Ce n’est qu’en 1894 qu’une loi réussit à interdire le travail des enfants dans les mines. Elle ne put être efficace que parce que la scolarisation était devenue obligatoire pour tous les enfants depuis 1882.

 

 

Droit à une protection contre les mauvais traitements

 

Le problème de la maltraitance des enfants par leur parent était ignoré du Code Napoléon. Tout au plus, le Code pénal de 1810 n’avait prévu qu’une cause de privation « des droits et avantages » des parents sur la personne et les biens de leur enfant, lorsqu’ils étaient coupables d’avoir excité, favorisé ou facilité de manière habituelle, la débauche ou la corruption de leurs enfants.

 

Il n’existait aucune législation tendant à limiter l’exercice de la puissance paternelle. Bien au contraire, le père bénéficia jusqu’en 1945 s’il en était besoin, d’un droit de correction organisé par le Code civil. Chaque fois qu’un de ses enfants le mécontentait, il pouvait agir par voie d’autorité ou par voie de réquisition, selon que l’enfant était âgé de moins de seize ans ou plus. Lorsque le père agissait par voie d’autorité, le tribunal devait s’incliner face à cette demande. Les juges étaient en ce cas, au service des pères pour faire respecter leurs prérogatives.

 

Si les rédacteurs du Code civil n’ont prévu nulle part de contrôle et de sanction, pour le cas où le père abuserait ou mésuserait de l’exercice de ses droits, c’est qu’ils voyaient dans la puissance paternelle un droit naturel non susceptible d’abus et pour laquelle aucune réglementation n’était nécessaire.

Pour Portalis[1], la puissance paternelle avait un « caractère sacré de nature telle qu’aucun abus n’est à craindre ». N’a-t-il pas déclaré à ce sujet « Dira-t-on que les pères peuvent abuser de leur puissance ? Mais cette puissance n’est-elle pas éclairée par leur tendresse ? La nature a donné aux pères et aux mères un désir de voir prospérer leurs enfants. La loi peut donc sans crainte s’en rapporter à la nature ».

Mais ne s’agit-il pas là d’une perception idéaliste, voire utopique de la fonction paternelle ou parentale en général ?

 

Car la réalité était que cette puissance paternelle était parfois, pour ne pas dire souvent, l’image du despotisme, éclairé ou non. Les pères se souciaient avant tout de préserver leur autorité et leurs prérogatives plutôt que de vouloir rendre leurs enfants heureux par l’affirmation de leurs droits. Le despotisme éclairé transposé à la famille, exercé par un père juste, humain et soucieux, avait ses limites tenant à la nature humaine.

Si l’on en croit Montesquieu, « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».

 

De fait, cet abus de droit est reconnu implicitement mais surtout explicitement par divers auteurs et législateurs, à des époques différentes, signant par là-même, son existence et sa permanence.

 

Tout d’abord, dans le silence des textes, les tribunaux civils, confrontés à la nécessité de contrôler la puissance paternelle et ne pouvant retirer aux parents un droit qui leur était conféré par la loi, étaient amenés à agir non sur le droit lui-même mais sur son exercice. Ils privaient les pères de l’exercice de certains attributs de la puissance paternelle, tel que le droit de garde, et les confiaient à la mère ou à un tiers.

 

Ensuite, les propos tenus lors de la promulgation de la loi du 4 juin 1970 substituant l’autorité parentale à la puissance paternelle, sont significatifs. La plupart des auteurs ont vu dans cette modification sémantique, une évolution de la conception de la fonction des parents. On serait passé selon eux, du droit de propriété du père sur l’enfant à une mission éducative, de l’idée d’un pouvoir de « domination » plus ou moins despotique à une fonction protectrice de l’enfant.

Les magistrats ont rappelé à cet égard, que les « droits d’autorité parentale ont été créés pour que les parents assurent l’éducation de leur enfant, mais pas pour qu’ils fassent injustement souffrir leur enfant ou qu’ils lui nuisent ».

 

Demolombe[2] reconnaissait que le « père et la mère laissent manquer de tout, la maison paternelle est un lieu de débauche, d’ivrognerie, une école d’immoralité… ».

Plus explicitement, on retrouve dans la littérature de nombreuses histoires d’enfants maltraités, mal aimés. Voir « Poil de carotte » de Jules Renard (violence psychologique) - « L’enfant » de Jules Vallès - « Les misérables » de Victor Hugo - « L’enfant maudit » d’Honoré de Balzac - « Vipère au poing » d’Hervé Bazin et « L’assommoir » d’Emile Zola.

 

Il ressort des statistiques que les sévices sont le plus souvent le fait des parents, rarement des proches, plus rarement encore d’étrangers à la famille et revêtent des formes diverses : tentatives de meurtre, sévices physiques, abus sexuels, cruauté mentale, privations de nourriture, négligence de la part d’adulte[3].

 

Cependant, bien que la maltraitance était avérée, elle était masquée dans le passé pour diverses raisons :

-         l’enfant n’était pas reconnu comme un sujet autonome à part entière, et ce qui lui arrivait suscitait peu d’intérêt.

-         en raison d’une forte mortalité infantile, les sévices étaient noyés dans les autres causes de maladie et de décès.

-         les médecins et professionnels de la protection de l’enfance refusaient par ignorance ou répugnance d’envisager la possibilité de tels problèmes et allaient jusqu’à en nier l’existence. A noter que cette négation des faits de maltraitance de la part des professionnels chargés de la protection de l’enfance persiste encore de nos jours.

Une enquête sur les enfants délaissés ou maltraités, lancées en 1888 par le ministère de l’intérieur, ne fut ni menée à son terme, ni suivie d’effets.

 

Quant aux enfants, certains se taisaient parce qu’ils étaient convaincus de la légitimité des coups.

C’est ainsi qu’on peut lire dans le roman autobiographique de Jules Vallès « L’enfant » : « Ma mère apparaît souvent pour me prendre par les oreilles et me calotter. C’est pour mon bien; aussi, plus elle m’arrache de cheveux, plus elle me donne de taloches, et plus je suis persuadé qu’elle est une bonne mère et que je suis un enfant ingrat. Oui, ingrat ! car il m’est arrivé quelquefois, le soir, en grattant mes bosses, de ne pas me mettre à la bénir, et c’est à la fin de mes prières, tout à fait, que je demande à Dieu de lui garder la santé pour veiller sur moi et me continuer ses bons soins »

 

D’autres enfants se taisaient pour protéger leurs parents. Lalie « créature de souffrance et de pardon » est dans « l’assommoir » d’Emile Zola, une enfant qui taisait son martyre et banalisait les actes de violence : « Un jour, comme Gervaise lui essayait un ancien caraco, elle était restée suffoquée en lui voyant l’échine bleue, le coude écorché et saignant encore, toute sa chair collée aux os... La petite avait prié la blanchisseuse de ne rien dire. Elle ne voulait pas qu’on embêtât son père à cause d’elle. Elle le défendait, assurait qu’il n’aurait pas été méchant s’il n’avait pas bu. Il était fou, il ne savait plus... ».

 

On retrouve bien là dans ces quelques lignes toute l’ambivalence de ces enfants victimes de la part de leurs parents.

 

Il est donc un fait indiscutable : nombreux étaient et sont encore les enfants victimes de sévices de la part de leurs parents. Si violences et négligences ont toujours existé en tous les temps, et concernent toutes les sociétés, ce qui est nouveau, c’est la conscience de leur existence, révélée par les travaux et les publications de quelques professionnels établissant un lien de cause à effet entre les lésions traumatiques constatées chez les enfants et les coups reçus.

 

 

Par exemples, Ambroise Tardieu, professeur de médecine légale français, publia en 1857 et 1879, des études médico-légales sur les sévices et les attentats aux mœurs. Elles établissaient avec près d’un siècle d’avance la notion et la réalité des mauvais traitements et des abus sexuels. S’appuyant sur 339 cas de tentatives de viol ou de viols réalisés sur des enfants de moins de onze ans, il observe que « les liens du sang, loin d’opposer une barrière à ces coupables entraînements, ne servent trop souvent qu’à les favoriser : des pères abusent de leurs filles, des frères abusent de leurs sœurs... »[4].

 

Ensuite, le pédiatre américain F.D. Ingraham affirma en 1939 l’origine traumatique des hématomes crâniens constatés chez le nourrisson;

 

Puis J. Caffey et F.N. Silverman précisèrent en 1942 que des fractures pouvaient être dues à des mauvais traitements.

 

Mais l’article dont le retentissement a été décisif est celui de Kempe et de Silvermann, intitulé « Le syndrome de l’enfant battu », publié en 1962. A partir de là, mais progressivement et de façon très inégale suivant les pays, les mauvais traitements dont sont victimes tant d’enfants et de jeunes de par le monde ont enfin acquis droit de cité.

 

Ces auteurs ont insisté sur la fréquence des cas. Il s’ensuit que la prise de conscience de l’état de violence dans lequel peut se trouver un enfant a progressé rapidement auprès des personnels sanitaires et sociaux, puis du grand public, et enfin des pouvoirs publics, aidés en cela par un certain nombre d’associations professionnelles ou bénévoles et surtout par les médias. Et notre droit s’est étoffé de plusieurs textes tendant à la protection de l’enfance.

 

Tout d’abord, la loi du 24 juillet 1889, instituant la « déchéance de la puissance paternelle ». C’est la première fois qu’apparaît un régime de « protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés » par leurs parents. Liés à un comportement gravement fautif des parents, la déchéance y était conçue comme une peine. Pour cette raison, cette sanction était obligatoire et totale. Elle portait :

-         d’une part, sur tous les attributs tant patrimoniaux que personnels se rattachant à la puissance paternelle ;

-         d’autre part, elle entraînait la perte de la puissance paternelle sur tous les enfants nés et à naître.

 

L’élaboration de cette loi fut longue puisqu’elle dura 9 ans. Le projet s’est heurté à l’opposition vigoureuse d’une partie de l’Assemblée qui redoutait le renforcement des pouvoirs de la puissance étatique.

-         Le sénateur de Gavardi dénonçait un projet qui semblait « ressusciter cette doctrine païenne et jacobine que les enfants appartiennent à l’Etat avant d’appartenir à la famille »

-         « Pour la droite traditionnelle, la conclusion est simple : suspecter un père, c’est les suspecter tous ; suspecter une famille, c’est les suspecter toutes ; cela risque d’aboutir à la mort d’une famille, à la mort de toutes les familles ; bref, à la mort de la Famille ».

-         Au-delà des considérations théoriques, c’est surtout le sort qui sera fait à l’enfant qui inquiète l’opposition. Elle craint que le gouvernement ne veuille organiser une tutelle générale de l’Etat sur les enfants, donc que l’Etat devienne Père universel, et confisque les enfants au profit de l’Etat laïque et républicain[5].

En pratique, les tribunaux hésitaient à la prononcer devant sa gravité. Ils préféraient souvent agir comme par le passé sur l’exercice de la puissance paternelle. Elle fut donc assouplie à plusieurs reprises.

 

Désormais, deux sortes de mesures sont prévues :

-         le retrait total qui porte « sur tous les attributs tant patrimoniaux que personnels se rattachant à l’autorité parentale »,

-         et le retrait partiel qui est limité à certaines prérogatives.

Ces mesures sont facultatives et laissées à l’appréciation du tribunal. Elles peuvent concerner tous les enfants nés ou certains d’entre eux seulement. Le délai de demande de restitution s’est réduit à un an renouvelable une fois, pendant lesquels l’enfant peut néanmoins être adoptable.

Une autre modification substantielle réside dans le fait que l’enfant est désormais dispensé de l’obligation alimentaire, sauf si le tribunal en décide autrement.

Le retrait total ou partiel de l’autorité parentale peut être prononcé,

-         soit par une juridiction répressive lors de la condamnation pénale des parents en qualité d’auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou d’un délit sur la personne de leur enfant [6],

-         soit par le juge civil en cas de comportement fautif des parents, susceptible de compromettre la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant ou de comportement négatif des parents pendant plus de deux ans à l’égard de leur enfant objet de mesures d’assistance éducative.

Par comportement fautif, il faut entendre les agissements dangereux des parents à l’encontre de leurs enfants tels que des violences physiques ou morales, des exemples de mauvais comportement, des défauts de soins.

Quant au comportement négatif, il s’agit du désintérêt volontaire des parents lorsque leur enfant fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative. C’est la sanction du non-exercice de la part d’autorité parentale dont les parents restent titulaires.

 

Ensuite, la loi du 19 avril 1898 tend à accroître la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis contre les enfants. Elle introduit une circonstance aggravante du fait de la minorité.

 

La compétence du juge des enfants, institué par l’ordonnance du 2 février 1945, est étendu à l’enfance en danger par l’ordonnance du 23 décembre 1958. Ainsi, ce magistrat acquiert la compétence de surveiller l’exercice de l’autorité parentale et celle d’intervenir précocement sur une situation de danger.

 

1989, année de la signature du « Children Act » en Grande-Bretagne[7], de la Convention internationale des droits de l’enfant, dite de New York[8] ainsi que de la loi du 10 juillet 1989 en France. Cette loi dite « relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance » :

-         d’une part, précise le rôle majeur du département dans la lutte contre les mauvais traitements et réaffirme la responsabilité du président du Conseil général ;

-         d’autre part, fait entrer l’enfant victime de maltraitance intra-familiale dans une procédure pénale, domaine qui lui était jusque-là fermé ; en d’autres termes donne à ces enfants le droit de demander réparation de leur dommage, par personne interposée, l’administrateur ad hoc.

 

Aujourd’hui, le dispositif français de protection de l’enfance s’articule essentiellement autour d’une double protection :

-         administrative, exercée par les services sociaux départementaux,

-         judiciaire, par le juge des enfants.

 

La limite des compétences entre une mesure d’action sociale préventive et une mesure judiciaire est que le juge des enfants n’est compétent qu’en cas de danger et de conflit.

 

Si le critère légal est celui du danger, il est insuffisant. En effet, l’art. 375 C. civ. a retenu le terme « peuvent » et non « doivent ». Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, le juge des enfants peut ordonner des mesures d’assistance éducative qui vont de la simple assistance par aide ou conseils à la famille, au retrait du mineur de son milieu familial pour le confier à un tiers.

 

Il s’ensuit que l’intervention du juge des enfants n’est que facultative dans la mesure où la situation de danger dans laquelle se trouve l’enfant peut être résorbée :

-         par l’intervention d’autres magistrats (juge aux affaires familiales, juge d’instruction…),

-         par les capacités propres de la famille

-         par l’intervention des services sociaux de prévention[9].

 

Ainsi, plusieurs séries de mesures de protection peuvent être prises, qu’elles soient administratives ou judiciaires, dont la finalité est :

-         soit de maintenir l’enfant dans sa famille

-         soit de le confier à un tiers.

Le principe étant le maintien de l’enfant dans son milieu actuel qui est, selon la Cour de cassation, le milieu familial naturel de l’enfant. En pratique, choix difficiles qui reviennent aux professionnels.

 

Dans l’un et l’autre cas, les mesures peuvent être :

-         soit sollicitées par les parents

-         soit imposées aux parents.

 

 

En conclusion, la problématique que l’on retrouve en permanence est la suivante :

-         d’un côté, tout enfant en danger ou maltraité a droit à être protégé, ce qui légitime le droit d’ingérence de l’Etat dans la sphère privée.

-         de l’autre, pour les parents, droit au respect de leurs prérogatives. Seule l’autorité judiciaire, par une décision motivée peut y porter atteinte.

En d’autres termes, le droit des enfants prévaut-il sur celui de ses parents ?



[1] Homme politique français, membre de la commission d’étude du Code civil sous le Consulat.

[2] Jurisconsulte français, doyen de la faculté de droit de Caen, a écrit un remarquable commentaire de législation civile en France : Cours de Code Napoléon.

[3] Le 4ème rapport de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée ( ODAS ) établit que 20 000 enfants ont subi des mauvais traitements en 1995 contre 17 000 en 1994 pour lesquels les auteurs se trouvent majoritairement dans la famille proche (85,73%). La répartition se fait comme suit : mère (30,41%), père (40,94%), mère + père (0,42%), frère/sœur (2,26%), beau-père (10,05%), belle-mère (1,65%). Quant aux autres auteurs, l’entourage constitue 8,98 %, les professionnels (2,58%) et non déterminés (2,71%). Source : Le Monde du mercredi 18.09.1996 - D. Simmonnot de Libération du 17.01.1997 confirme ce fait : plus de 30 000 enfants sont chaque année victimes de violences. Dans 80 % des cas, les sévices émanent des parents, le reste de la famille et des éducateurs.

[4] C. Mignot : Place et sort de l’enfant dans la société, in L’enfant maltraité de P. Strauss, M. Manciaux, M. Gabel, D. Girodet, C. Mignot et M. Rouyer, éd. Fleurus, psycho-pédagogie, pp. 59 et 60.

[5] P. Verdier : L’autorité parentale. Le droit en plus. Bayard Editions.

[6] Retrait total de l’autorité parentale, également en qualité de coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur enfant : Art. 378 C. civ.

[7] Children Act, système général de protection de l’enfance, est l’équivalent de notre loi du 10 juillet 1989 en France. Une partie de cette loi introduit une tierce personne, le guardian ad litem pour représenter l’enfant en justice. C’est l’homologue de notre administrateur ad hoc.

[8] Adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, entrée en vigueur dans le monde le 2 septembre 1990, suite à sa ratification par 20 Etats. Signée par la France le 26 janvier 1990, cette Convention a été soumise à l’approbation du Parlement qui, par une loi du 2 juillet 1990, en a autorisé la ratification. Elle est entrée en vigueur le 6 septembre 1990 et a été publiée au Journal Officiel de la République française le 12 octobre 1990.

[9] M. Huyette : Guide de la protection judiciaire de l’enfant . Ed. Dunod – G. Rivas : La protection de l’enfance en danger, mémoire DESS « Lutte contre la délinquance et les déviances », septembre 2000.

* Autres documents de bibliographie :

-          G. Favre-Lanfray : La représentation « ad hoc » de l’enfant, thèse doctorat en droit, septembre 2000 –

-           Mme Albrand : Historique, textes fondateurs, soins, éthique, en action éducative en milieu ouvert et en maison d’enfants à caractère social, dossier 2001.

-          C. Rollet : Les enfants au XIXe siècle, Hachette Littératures.