Les dossiers de Chrysallis

MINEURS ETRANGERS ISOLES

L’ADMINISTRATEUR AD HOC, UN AN APRES SON ENTREE EN FONCTION

 

Paris – 4 Février 2005

 

 

 

A)    Bref exposé de l’administration « ad hoc » dans le temps et dans les textes

 

 

Définition de l’administrateur ad hoc

 

 

Le terme « ad hoc » est une locution latine qui signifie « pour cela » « en remplacement de ».

 

Selon le Larousse, une personne « ad hoc » est une personne compétente, parfaitement qualifiée pour la tâche qu’on lui confie.

 

En l’absence de définition légale, on peut dire que l’administrateur ad hoc est une personne physique ou morale, désignée par un magistrat, qui se substitue aux parents pour exercer les droits de leur enfant mineur non émancipé et protéger ses intérêts, en son nom et à sa place.

 

L’administration « ad hoc » se distingue de la tutelle en ce sens que celle-ci consiste à représenter une personne d’une manière continue dans les actes de la vie civile.

Par ailleurs, la tutelle peut concerner les majeurs et les mineurs, tandis que l’administration « ad hoc » a vocation à s’appliquer uniquement aux mineurs.

 

 

Intérêt du mécanisme de représentation

 

 

En certaines situations, le mineur est juridiquement incapable en droit français. La conséquence de ce statut est qu’il est titulaire de droits qui lui sont reconnus comme à toute personne humaine, mais il ne peut les exercer personnellement et directement.

 

Le principe retenu est celui de la représentation du mineur non émancipé par ses parents en tant qu’administrateurs légaux (art. 389-3 C. civ.) ou par son tuteur (art. 450 C. civ.).

 

Toutefois, le législateur a prévu le recours à un administrateur ad hoc :

 

-         lorsque les intérêts de l’enfant mineur apparaissent ou sont en opposition avec ceux de son ou ses représentants légaux (art. 388-2 et 389-3 C. civ.)

-         ou lorsque « la protection des intérêts de l’enfant victime n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux » (art. 706-50 CPP)

-         procédure de désaveu de paternité (art. 317 C. civ.)

-         ou en cas d’absence de représentant légal accompagnant un mineur étranger lors de son entrée en zone d’attente

-         lorsqu’une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié est formée par un mineur sans représentant légal sur le territoire français

 

Le but recherché est de lui permettre d’accéder à la justice et de préserver ses intérêts.

Le cadre légal

 

 

Huit étapes balisent cette institution

 

1°) L’administrateur ad hoc a été inséré dans le Code civil par la loi du 6 avril 1910, afin de tempérer la toute puissance qu’avait le père en tant qu’administrateur des biens de son enfant légitime (art. 389 C. civ.).

Ce premier texte est donc limité au patrimoine de l’enfant.

 

2°) Ce texte initial fut repris par la loi du 14 décembre 1964, instituant le juge des tutelles et réformant le droit des incapables mineurs (art. 389-3 C. civ.).

Texte restrictif car il revenait au père en qualité d’administrateur légal de se rendre compte lui-même que ses intérêts étaient en opposition avec ceux du mineur et devait faire nommer un administrateur ad hoc par le juge des tutelles.

 

 

3°) Ensuite, avec la loi du 10 juillet 1989 relative à la maltraitance et à la protection de l’enfant, l’administrateur ad hoc s’est vu charger de la représentation des enfants victimes de maltraitance parentale (art. 87-1 CPP).

 

 

4°) La loi du 8 janvier 1993 portant réforme du droit de la famille, a généralisé le recours à l’administrateur ad hoc dans toutes les procédures concernant le mineur :

·        en complétant l’art. 389-3 C. civ.

·        en modifiant l’art. 317 C. civ. relatif au désaveu de paternité

·        en créant une nouvelle disposition : art. 388-2 C. civ.

 

 

5°) La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu’à la protection des mineurs a apporté quelques modifications substantielles en remplaçant l’art. 87-1 CPP par l’art. 706-50 CPP, telles que :

-         la suppression de toute référence à la qualité de l’auteur fait que toute forme de maltraitance est visée.

-         la désignation d’un administrateur ad hoc dès la phase de l’enquête préliminaire, 1ère phase du processus pénal.

-         l’obligation pour les juges pénaux de désigner un administrateur ad hoc lorsqu’ils constateront que les intérêts du mineur ne sont pas complètements protégés.

-         mission élargie de l’administrateur ad hoc : protection des intérêts de l’enfant victime - exercice éventuel de l’action civile et soutien aux auditions et confrontations.

 

Par ailleurs, elle renvoie à un décret les modalités relatives à la désignation de l’administrateur ad hoc et pose le principe de son indemnisation.

 

 

6°) Le décret du 16 septembre 1999 modifiant le Code de procédure pénale et le nouveau Code de procédure civile et relatif aux modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc, s’est engagé sur la voie de l’institutionnalisation :

-         procédure d’agrément

-         indemnisation forfaitaire.

 

 

7°) La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale qui a modifié l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ainsi que la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile.

Désormais, en l’absence d’un représentant légal accompagnant le mineur, le procureur de la République, avisé dès son entrée en zone d’attente, devra lui désigner sans délai un administrateur ad hoc.

De même, lorsqu’une demande de la qualité de réfugié est formée par un mineur sans représentant légal sur le territoire français, le procureur de la République, avisé par l’autorité administrative, lui désigne un administrateur ad hoc.

 

 

8°) Le décret du 2 septembre 2003 relatif aux modalités de désignation et d’indemnisation des administrateurs ad hoc institués par la loi du 4 mars 2002.

 

 

Le champ d’intervention de l’administrateur ad hoc

 

 

·        La représentation du mineur est une des modalités d’exercice des droits du mineur (art. 389-3 et 450 C. civ.)

 

Il n’y a pas lieu à désigner un administrateur ad hoc :

-         lorsqu’une disposition légale lui confère expressément le pouvoir d’agir seul : assistance éducative – délinquance juvénile – Cour européenne des droits de l’homme

-         lorsque l’usage le lui permet

 

 

-         patrimoniaux

-         extrapatrimoniaux

 

Il a donc vocation à intervenir dans les procédures :

-         civiles, pénales et administratives

-         contentieuses et extrajudiciaires

 

En pratique, il s’agit essentiellement de cas de :

-         violence physique, d’agressions sexuelles, d’inceste

-         conflit de filiation, changement de nom, droit de visite…

-         succession, partage, vente…

-         depuis 2 septembre 2003, mineurs étrangers isolés

 

 

Un même signifiant « administrateur ad hoc » pour toutes ces missions.

 

 

 

 

 

 

 

 

B) Cadre légal de cette nouvelle mission confiée aux administrateurs ad hoc

 

 

Concernant la désignation de l’administrateur ad hoc

 

 

 

-         art. 35 quater de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France

-         art. 12 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile

 

-         procureur de la République

 

obligation pour le procureur de la République de désigner sans délai un administrateur ad hoc dès lors qu’il est avisé

-         de l’entrée en zone d’attente d’un mineur étranger non accompagné par un représentant légal.

-         par l’autorité administrative d’une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié formée par un mineur sans représentant légal sur le territoire français.

 

Le décret a prévu une liste spécifique distincte de celle qui existe pour les mandats pénaux (R 53 CPP). En priorité, l’administrateur ad hoc sera choisi sur cette liste ; à défaut sur la liste R 53 CPP

 

Par contre, les conditions exigées sont identiques.

 

* Pour une personne physique

-         âge : 30/70 ans

-         s’être signalé depuis un temps suffisant par l’intérêt porté aux questions de l’enfance et par sa compétence

-         résidence dans le ressort de la CA

-         ne pas avoir été condamné pénalement ou à sanction disciplinaire ou administrative pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs

-         ne pas avoir été frappé de faillite personnelle ou d’un autre sanction en application du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises.

 

* Pour une personne morale :

-         les dirigeants doivent remplir les 2 dernières conditions

-         chacune des personnes physiques susceptibles d’exercer pour le compte de la personne morale doivent remplir les 5 conditions

Il s’agit en ce cas d’un double agrément.

 

La procédure est quelque peu différente en ce sens que les avis du juge des libertés et de la détention, du président du conseil général et du directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse sont requis.

Sinon pour le reste, procédure identique à celle prévue pour les mandats pénaux.

 

 

 

Concernant la mission de l’administrateur ad hoc

 

 

Il s’agit d’une mission nouvelle pour l’administrateur ad hoc, à savoir assister le mineur et assurer sa représentation :

 

-         dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à son maintien en zone d’attente ou afférentes à son entrée sur le territoire national

-         dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

 

 

La loi du 4 mars 2002 précise que :

 

-         le mineur a droit à l’assistance d’un avocat choisi par l’administrateur ad hoc ou à défaut, commis d’office

-         tout administrateur ad hoc « doit, pendant la durée du maintien en zone d’attente du mineur, se rendre sur place »

-         l’administrateur ad hoc « peut demander au juge des libertés et de la détention, le concours d’un interprète et la communication de son dossier »

-         « la mission de l’administrateur ad hoc prend fin dès le prononcé d’une mesure de tutelle »

 

Le décret du 2 septembre 2003 précise que :

 

-         dans le mois de l’achèvement de chaque mission, l’administrateur ad hoc doit transmettre au procureur de la République un rapport détaillant les démarches effectuées et, le cas échéant, les éléments d’information recueillis sur le mineur, aux fins d’assurer au mieux sa protection.

-         en matière pénale, le délai est de 3 mois et nous n’avons pas à relater des éléments concernant le mineur

-         l’indemnité forfaitaire est moindre mais elle peut être revalorisée. Elle est à la charge de l’Etat

 

Elle est à ce jour :

. 100 € : assistance et représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à son maintien en zone d’attente ou afférentes à son entrée sur le territoire national

. 50 € : assistance et représentation du mineur dans la procédure relative à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides ( OFPRA ).

. 50 € : assistance et représentation du mineur dans la procédure relative à l’examen de sa demande d’asile devant la Commission des recours des réfugiés et devant le Conseil d’Etat.

 

« Ces sommes peuvent être revalorisées par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé de l’économie et des finances compte tenu notamment de l’évolution des prix à la consommation ».

Cette mention est absente dans le décret du 16.09.1999 concernant les mandats pénaux.

 

 

 

 

 

 

B)    Analyse de la pratique

 

J’ai pu noter des difficultés, des interrogations qui sont similaires avec les mandats pénaux, d’autres qui sont spécifiques à ces mandats.

 

 

1°) Dans notre système judiciaire, est-ce un nouvel administrateur ad hoc propre aux mineurs étrangers isolés ou est-ce une mission nouvelle confiée aux administrateurs ad hoc existants ?

 

Au regard des textes, je pense que l’on peut répondre oui à ces 2 propositions.

 

Le décret fait référence dans son libellé aux « administrateurs ad hoc institués par l’article 17 de la loi du 4 mars 2002 » et il est prévu une liste spécifique distincte de celle qui existe pour les mandats pénaux.

Cependant, les conditions requises sont identiques. Dès lors, toute personne inscrite sur la liste établie conformément à l’art. R53 CPP, peut postuler pour être inscrit sur la liste établie pour les mineurs étrangers isolés.

 

Par ailleurs, si on analyse l’ensemble des textes en ce domaine, il est constamment fait référence à la liste établie pour l’exercice des mandats pénaux (art. R 53 CPP).

 

-         En effet, lorsque dans l’intérêt de l’enfant, les magistrats habilités à désigner un administrateur ad hoc sur le fondement du Code civil, sont dans l’impossibilité de le choisir au sein de sa famille ou parmi les proches du mineur, ils peuvent le désigner parmi les personnes figurant sur la liste prévue à l’art. R 53 CPP (art. 1210-1 NCPC)

 

-         De même, lorsqu’il est impossible de désigner une personne figurant sur la liste prévue par le décret du 2/09/2003, l’administrateur ad hoc sera choisi parmi les personnes figurant sur la liste prévue à l’art. R 53 CPP (art. 11 décret).

Certes, il s’agit en l’espèce d’une mission provisoire, prévue jusqu’à l’établissement ou la mise à jour annuelle de la liste.

 

Or, si je me réfère à ce qui se passe pour les mandats pénaux, où :

. certains conseils généraux se retrouvent désignés par défaut, en raison d’une pénurie d’administrateurs ad hoc,

. la mise en place de ces listes ne va pas de soi et les procédures d’agrément sont longues,

il y a tout lieu de craindre que nombre d’administrateurs ad hoc qui ont postulé uniquement pour exercer des mandats pénaux soient également sollicités pour représenter des mineurs étrangers isolés.

 

Je ne pense pas que depuis septembre 2003, des listes soient déjà constituées.

France Terre d’Asile a fait 22 demandes d’agrément. A ce jour, seuls 3 TGI ont donné une suite favorable (Toulon – Melun et Paris).

 

De cette question, il en découle d’autres :

 

 

Le décret pose comme condition : « s’être signalé depuis un temps suffisant par l’intérêt porté aux questions de l’enfance et par sa compétence. »

Il a repris strictement les termes du décret de septembre 1999 pour les administrateurs ad hoc, désignés en matière pénale. Mêmes critères mais la compétence dont il s’agit ici est autre.

Je partage l’opinion de ceux :

 

-         qui regrettent « qu’en raison de la technicité et la complexité de la législation des étrangers, aucune compétence particulière ne soit requise »

-         qui pensent que dans l’intérêt des enfants, l’administrateur ad hoc doit avoir une bonne connaissance du sujet,

d’où l’importance de se former au préalable ou de confier ces mandats à des associations spécialisées en ce domaine [1], (par référence aux avocats et aux médecins).

 

Certes, je suis docteur en droit, spécialité Droits de l’Homme et mes travaux de recherches ont porté sur la « représentation « ad hoc » de l’enfant.

Certes, j’exerce des mandats en qualité d’administrateur ad hoc en matière pénale et civile depuis 15 ans.

Mais j’avoue ne pas avoir la compétence nécessaire pour exercer de tels mandats.

 

·        l’autre relative à la portée de la loi du 4 mars 2002

 

Cette loi fait obligation au procureur de la République de désigner un administrateur ad hoc dès l’entrée en zone d’attente de mineurs étrangers sans représentant.

Elle précise que l’administrateur ad hoc est « désigné sur une liste de personnes morales ou physiques dont les modalités de constitution sont fixées par décret en conseil d’Etat. »

Ce décret a été pris le 2 septembre 2003, soit 18 mois après la loi.

 

Durant cette période, des tribunaux ont été saisis pour savoir si la loi du 4 mars 2002 était applicable en l’état ou non ; en d’autres termes, les procureurs de la République pouvaient-ils désigner un administrateur ad hoc aux mineurs dès sa publication au JO (5 mars 2002) ? Les avis étaient partagés :

 

-         certains estimaient que l’absence de décret d’application paralysait cette loi et n’obligeait pas à pourvoir le jeune retenu administratif d’un administrateur ad hoc .(arrêt CA Paris du 7 février 2003 ; arrêt 24 janvier 2002)

-         d’autres estimaient au contraire que le jeune justiciable ne devait pas être sanctionné par la carence de l’administration (TGI Bobigny, 30 juin 2002).

En ce cas, nombre d’actes ou de procédures furent annulées pour défaut de représentation[2].

 

Cette question de droit ne s’est pas posée pour les mandats pénaux suite à la loi de juin 1998 qui prévoyait l’établissement de listes dont les modalités de constitution devaient également être fixées par décret en Conseil d’Etat (art. 706-51 CPP). Celui-ci est intervenu 15 mois plus tard en septembre 1999. Dès lors, les juges pénaux devaient-ils cesser toute désignation ? Il n’en a rien été. La seule chose qui a été retardée : l’indemnisation de l’administrateur ad hoc.

 

Ne pouvait-on pas durant cette période intermédiaire faire appel aux administrateurs ad hoc de la liste établie conformément à l’article R 53 CPP ? Cela a été prévue après coup mais ne pouvait-on pas anticiper en se fondant sur d’autres textes, tels que :

 

-         l’article 389-3 C. civ. : hors contentieux judiciaire par le juge des tutelles donc pour les mineurs entrant en zone d’attente sans représentant légal

-         l’article 388-2 C. civ. : dans le cadre d’une procédure en cours, par le juge des tutelles ou le juge saisi d’une instance donc pour les mineurs réclamant le statut de réfugié.

Ces 2 dispositions du Code civil posent comme condition : un conflit d’intérêts existant ou présumé entre le mineur et ses représentants légaux. Là, en l’occurrence, il y a défaut de représentants. Peut-on l’assimiler à un conflit d’intérêts ?

De plus, le procureur de la République peut demander la désignation d’un administrateur ad hoc au juge des tutelles. Le mineur peut également.

 

Cette idée n’est pas pure élucubration de ma part puisque :

 

-         un juge des tutelles a désigné un administrateur ad hoc pour représenter un jeune d’origine nigériane devant la commission de recours des réfugiés. Mais cette décision a été prise le 2 avril 2004, soit postérieurement au décret, alors que seul le procureur de la République est compétent en la matière.

 

-         dans l’histoire de l’administration « ad hoc », il y a eu en son temps, application de textes civils, intervention de juges civils, pour des procédures pénales.

Ex : Lorsque le législateur en juillet 1989 a permis aux enfants victimes d’exercer leurs droits devant une juridiction pénale, via un administrateur ad hoc, cela concernait seulement les infractions commises par les parents envers leurs enfants. Lorsque l’auteur n’exerçait pas l’autorité parentale, les juges pénaux (juge d’instruction ou juridiction de jugement) ne pouvaient pas désigner eux-mêmes un administrateur ad hoc à ces enfants victimes.

Aussi, jusqu’en janvier 1993, ils faisaient appel aux juges des tutelles qui, par une interprétation très large de l’art. 389-3 C. civ., désignaient sur ce fondement, les administrateurs ad hoc.

Ex : Des juges des tutelles désignaient systématiquement les administrateurs ad hoc pour passer outre le refus des juges d’instruction.

 

Pour clore cette question, j’ai pu noter qu’en « réponse à une question parlementaire portant sur l’état d’avancement de ce décret très attendu, un travail interministériel approfondi devait être mené sur ce texte techniquement délicat ». Certes, mais dans la mesure où il reprend dans sa quasi-totalité les termes du décret de septembre 1999, qui a demandé lui,15 mois de travail, ne pouvait-on pas raisonnablement réduire ce temps de réflexion ? [3]

 

 

2°) La finalité de la représentation : l’exercice des droits des mineurs

 

·        Définition :

Par « mineur étranger isolé », il faut entendre :

« toute personne se déclarant âgée de moins de 18 ans, entrant ou présent sur le territoire français sans représentant légal :

-         parents ou tuteur

-         toute personne exerçant l’autorité parentale

-         adulte responsable dûment mandaté pour le représenter

 

La représentation ne concerne que les mineurs. A 18 ans, « on est capable de tous les actes de la vie civile » (Art. 488 C. civ.).

 

Lorsqu’un jeune étranger isolé entre sur le territoire français, sa minorité est présumée : il est « considéré comme mineur »

-         selon ses dires : « se disant né »

-         selon les papiers détenus.

Dans la mesure où la loi fait obligation au procureur de la République de désigner sans délai un administrateur ad hoc à tout mineur étranger entrant sans représentant légal en zone d’attente, sa décision repose sur une simple présomption de minorité. Toute vérification, notamment par un examen de l’âge osseux, ne peut s’opérer qu’après coup.

Cela dit, le mandat de l’administrateur ad hoc débute dès réception de sa désignation.

Si à l’issue de l’examen médical, le jeune est reconnu majeur, sa représentation n’a plus lieu d’être. Dès lors, le mandat de l’administrateur doit cesser.

 

A la lecture de certains dossiers transmis par des administrateurs ad hoc, il semblerait que les choses ne soient pas aussi tranchées. En effet, on peut lire :

 

-         dans un cas d’espèce, qu’après avoir été reconnue majeure à l’issue d’une expertise d’âge osseux, un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est prononcé à l’encontre d’une jeune fille. Elle est alors placée en centre de rétention administratif. Durant sa rétention, elle fait une demande d’asile à l’OFPRA. Là, elle est considérée comme étant mineure. Il s’ensuit que l’Office avise le procureur de la République pour qu’il lui désigne un administrateur ad hoc, ce qui a été fait.

Si la règle établie est la présomption de minorité jusqu’à l’expertise, c’est le droit applicable aux mineurs qui s’impose en priorité. Pourquoi ne lui a-t-on pas désigner un administrateur ad hoc dès son entrée en France, voire dès qu’elle a été confiée à l’ASE ?

Dès lors que l’expertise dément les dires ou les documents que la jeune a en sa possession, c’est le droit applicable aux majeurs qui devrait s’imposer. Pourquoi lui désigner à ce moment un administrateur ad hoc pour « statuer sur sa demande » ?

Il y a à la fois, non application du droit et mauvaise application du droit.

 

-         Dans un autre cas d’espèce, une jeune fait une demande d’asile auprès de l’OFPRA. Dans la mesure où elle est déclarée majeure suite à une expertise d’âge osseux, l’Office traite et rejette sa demande. Lorsqu’elle exerce son recours, la Commission des Recours des Réfugiés (CRR) lui demande de régulariser sa situation au motif, qu’étant mineure, elle n’a pas la capacité d’ester en justice.

 

Il ressort que, selon l’interlocuteur, une même personne est considérée :

-         soit comme mineure

-         soit comme majeure

 

Cette question a des incidences sur la vie des jeunes : scolarité, santé, procédures…

 

 

Profil des mineurs isolés

L’administrateur ad hoc peut être sollicité pour assister et représenter deux sortes de mineurs étrangers isolés :

-         pas autorisés à entrer sur le territoire français

-         demandeurs d’asile.

Il semblerait que la proportion soit de 50/50 %.

 

Selon la loi du 4 mars 2002, il est demandé à tout administrateur ad hoc désigné, d’assister et d’assurer la représentation du mineur étranger dans toutes procédures administratives et juridictionnelles relatives à son maintien en zone d’attente ou à sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

 

Cela consiste concrètement à :

-         le rencontrer,

-         être présent lors des actes de procédure

-         être destinataire de tous documents

-         être le seul habilité à signer les documents

-         initier toutes procédures

-         exercer les voies de recours

 

L’administrateur ad hoc doit œuvrer dans l’intérêt du mineur. Il s’agit d’intérêts procéduraux. Il n’a pas à intervenir personnellement pour tout ce qui concerne la personne, la vie du mineur : santé, scolarité…Ce domaine là est de la compétence du juge des enfants et des services sociaux.

Par contre, dans la mesure où la loi prévoit que le mandat prend fin dès le prononcé d’une mesure de tutelle, il incombe implicitement à l’administrateur ad hoc, de solliciter le juge des tutelles tendant à l’ouverture de celle-ci.

 

Assistance éducative et tutelle sont 2 régimes de protection prévues envers les mineurs qui sont à différencier du régime de représentation où là, un représentant agit au nom et pour le compte d’un mineur, à l’occasion d’un acte ou d’une procédure bien particulière. Il ne s’agit pas d’un mandat en blanc.

 

C’est là toute l’ambiguïté. Le mineur étranger isolé est à la fois :

-         incapable juridiquement ce qui l’oblige à être doté d’un représentant pour exercer ses droits : administrateur ad hoc ou tuteur

-         potentiellement en danger et il revient au seul juge des enfants de prendre des mesures de protection.

Cela ne doit pas empêcher l’administrateur ad hoc de faire le lien avec les autorités compétentes pour que des mesures appropriées soient prises.

 

 

3°) Le bilan après un an de fonctionnement

 

Les critiques sont nombreuses et sont de tous ordre :

 

-         désignations relativement rares au regard du nombre de mineurs concernés

-         disparités d’un département à l’autre

-         confusion de compétence : procureur de la République/juge des tutelles

 

-         difficultés d’obtenir les adresses des mineurs d’où l’impossibilité de les rencontrer

-         méconnaissance de la fonction tant par les professionnels partenaires que par certains administrateurs ad hoc eux-mêmes

-         intervention très restreinte de certains administrateurs ad hoc (rapport Anafé)

-         mission exercée sans grand enthousiasme (rapport Anafé)

-         rémunération insuffisante

 

La finalité même de cette représentation « ad hoc » est remise en cause, ce qui fait dire à Hélène Gacon « Un administrateur ad hoc pour quoi faire ? ».

 

Ce dispositif a été mis en place pour assurer une protection supplémentaire pour les jeunes. Or, après plus d’un an, pour nombre de professionnels tous confondus, l’administrateur ad hoc serait un paravent pour des procédures de renvoi :

 

-         soit des jeunes enfants seraient ré-embarqués sans aucune démarche de l’administrateur ad hoc

-         soit pour statuer plus rapidement à une demande de statut de réfugié (refus quasi-systématique)

 

Un terme est omniprésent : Instrumentalisation de l’administrateur ad hoc.

 

Mais n’est-ce pas la finalité de l’adoption de la loi du 4 mars 2002 qui, selon certains auteurs, visait à « mettre un terme à une jurisprudence de la CA de Paris qui, ayant à se prononcer sur la prolongation du maintien du mineur isolé en zone d’attente, prononçait la fin de ce placement et en conséquence son admission sur le territoire au motif que son incapacité juridique affectait la validité de la procédure dont il faisait l’objet. »

 

Ce constat plus que négatif, incite nombre d’administrateurs ad hoc à la prudence avant de s’engager dans cette mission.

 

Ne perdons pas de vue que la représentation judiciaire des mineurs a pour vocation :

-         de leur permettre d’exercer leurs droits (incapacité d’exercice)

-         d’accéder à la justice

-         préserver leurs intérêts

 

 

Geneviève FAVRE-LANFRAY

Docteur en Droit



[1] Claire Brisset, Défenseure des enfants ; La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ; Association Anafé.

[2] art. 389-3 et 450 C. civ ; art. 117 NCPC

[3] Question écrite n° 2691, 16 septembre 2002, AN, 2/12/2002, p. 4664. In « Mineurs isolés en zone d’attente : mise en place d’un administrateur ad hoc », d’Hélène Gacon, Anafé, colloque Lille, 22 mars 2003.