Représentation et accompagnement de lenfant victime par un administrateur ad hoc
Dans le cadre de la "Commission Outreau", Madame Geneviève FAVRE-LANFRAY a rédigé un rapport qui a été validé.
Représentation et accompagnement de lenfant victime par un administrateur ad hoc
Geneviève FAVRE-LANFRAY
Docteur en Droit
Administrateur ad hoc
Présidente-Fondatrice de lAssociation Chrysallis
« Tout individu en droit est une personne, sujet de droit et donc titulaire de toutes les prérogatives de caractère privé, qui résultent de la personnalité juridique. Ce sont les droits fondamentaux de la personne humaine, reconnus par la Constitution française et par un certain nombre de conventions auxquelles la France a adhéré ».
Ainsi, toute personne peut saisir la justice pour revendiquer un droit ou pour demander réparation du préjudice subi. Mais pour lenfant, considéré en certaines circonstances comme juridiquement incapable, un régime particulier de protection lui est imposé en raison de son âge et de sa faiblesse. Il sensuit que jusquà sa majorité sil nest pas émancipé, ses parents doivent le remplacer pour accomplir certains actes en son nom. La représentation du mineur est donc liée à son incapacité dexercice, à laquelle elle supplée.
Il incombe à lEtat que lenfant puisse de manière générale exercer effectivement ses droits, et en particulier dans les procédures familiales qui lintéressent, soit en ayant directement accès à la justice, soit en instituant un mécanisme de substitution. Cest ainsi que le législateur a prévu le recours à un administrateur ad hoc, lorsque les intérêts du mineur sont en opposition avec ceux de ses représentants légaux ou lorsque la protection de ses intérêts nest pas complètement protégée par ses représentants légaux ou par lun dentre eux.
Le terme « ad hoc » est une locution latine signifiant « en vue de cela », « en remplacement de ». Cette expression sapplique « à toute personne ou à tout organe à qui est assigné une mission précise et momentanée et qui reçoit des pouvoirs limités à cette fin ».
En labsence de définition légale, une personne « ad hoc » est, selon le Larousse, une personne compétente, parfaitement qualifiée pour la tâche quon lui confie. A ce titre, on peut dire que ladministrateur ad hoc est un représentant spécial, désigné par un magistrat, qui se substituera aux représentants légaux pour représenter leur enfant mineur dans une procédure en cours ou à loccasion dun acte. Il a donc qualité pour exercer aux nom et lieu du mineur quil représente, ses droits, dans la limite de la mission qui lui est confiée.
Aborder le thème de la mission de ladministrateur ad hoc, cest à la fois :
lui donner un champ dintervention
poser des limites
Cest poser les questions :que doit-il faire ?
jusquoù peut-il aller ?
Ma formation de juriste mais surtout mes recherches doctorales sur ce sujet mont aidé à cadrer le mandat de ladministrateur ad hoc au regard des règles légales. Il y a des sujets qui sont plus enclins que dautres à susciter une polémique, voire qui lexigent. Tel est le cas lorsquon aborde la représentation « ad hoc » du mineur. Tenter de définir le plus précisément sa nature est un travail essentiel afin déviter les confusions, lever les ambiguïtés et comprendre les difficultés que rencontrent en pratique les administrateurs ad hoc. On ne peut faire abstraction de cet exercice, difficile au demeurant.
En matière pénale, je mappuierais sur 4 textes pour cerner le contenu du mandat de ladministrateur ad hoc :
1°) Lart. 389-3 C. civ. : De la tutelle
« Ladministrateur légal représentera le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou lusage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.
Quand ses intérêts sont en opposition avec ceux du mineur il doit faire nommer un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. (L. n° 93-22 du 8 janv. 1993) A défaut de diligence de ladministrateur légal, le juge peut procéder à cette nomination à la demande du ministère public, du mineur lui-même ou doffice. »
Ce texte est le fondement même de la représentation du mineur. Institué en 1910, il a été modifié à 2 reprises :
par la loi du 14 décembre 1964 qui a institué le juge des tutelles et réformé le droit des incapables mineurs
par la loi du 8 janvier 1993 qui a élargi les modalités de désignation de ladministrateur ad hoc
Il ressort de ce texte que la représentation du mineur est une des modalités dexercice des droits du mineur et quil na pas à être représenté :
lorsquune disposition légale lui confère expressément le pouvoir dagir seul (assistance éducative délinquance juvénile) lorsque lusage le lui permet
Ce texte relatif à la représentation est laconique : il parle de représenter le mineur dans une procédure ou lors dun acte civil.
Action en remplacement dautrui, la représentation suppose laccomplissement dun acte juridique ou dune action par une personne qui nintervient pas en son propre nom mais au nom dautrui, qui nagit pas pour son compte mais pour le compte dautrui. Cette définition met laccent sur le rôle essentiel du représentant qui agit par substitution, qui par la volonté exprimée, va engager la personne quil remplace. Les effets de lacte ne sont pas supportés par celui qui agit, le représentant, mais par celui au nom duquel on agit, le représenté.
Dans ce contexte, ladministrateur ad hoc agit au nom et pour le compte du mineur avec cette particularité que ce dernier német pas lui-même son propre choix ou la volonté qui forme lacte juridique. Bien que personne juridique, le mineur disparaît derrière lécran de la représentation.
Cela dit, la représentation, moyen juridique pour pallier lincapacité dexercice et conçue dans lintérêt de lincapable, ne doit pas se révéler violente dans sa mise en uvre. Représenter un mineur, cest comme on vient de le voir, prendre sa place sur la scène judiciaire. Faut-il alors lexclure de toutes les décisions importantes qui le concernent ? Dans la mesure où cest lui qui supportera les conséquences de la décision judiciaire, nest-ce pas en ce cas, une autre forme de violence que de le maintenir dans un état dincapacité, cest-à-dire décider sans lui ou contre lui au nom de ses intérêts ? Que dire de ces administrateurs ad hoc qui prennent des décisions sans avoir rencontré lenfant et qui lexcluent de la procédure ? Pour eux, la justice est une affaire dadultes où les enfants nont pas leur place. Or, ces enfants, nayant pu exprimer leur sentiment, nayant pas été informés, se sentent dépossédés de leur affaire. Cette pratique nest pas à préconiser car on risque de rejouer le même scénario familial, à savoir substituer un autre abus de pouvoir, dautorité au premier. Elle crée ce que lon appelle une « victimation secondaire » ou une « surviolence » entraînant des conséquences psychologiques néfastes pour lenfant.
Aussi, suis-je favorable à une autre conception plus large mais aussi plus humaniste du mandat. Dans les faits, cela consiste à entrer en communication avec lui, lécouter et lui restituer les enjeux des décisions prises pour lui. Cette conception exclut toute généralisation, toute règle préétablie. Cela suppose une étude très précise et complète de la situation avant toute prise de décision.
En cas de divergence entre la parole exprimée par lenfant et la position arrêtée par son représentant, il est important que ladministrateur ad hoc demande à lavocat dexprimer ces deux positions à laudience.
2°) Lart. 706-50 CPP : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ( L. n° 98-468 du 17 juin 1998 )
« Le procureur de la république ou le juge dinstruction, saisi de faits commis volontairement à lencontre dun mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci nest pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par lun dentre eux. Ladministrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, sil y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat doffice pour le mineur sil nen a pas déjà été choisi un.
Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement. »
Texte qui a remplacé lart. 87-1 CPP institué par la loi du 10 juillet 1989 de portée trop restrictive. Il sensuit depuis juin 1998 des modifications substantielles :
la suppression de toute référence à la qualité de lauteur de linfraction fait que toute forme de maltraitance, quelle soit exercée par le parent exerçant lautorité parentale ou non, est visée.
la désignation dun administrateur ad hoc dès la phase de lenquête préliminaire, 1ère phase du processus pénal
lobligation pour les juges pénaux de désigner un administrateur ad hoc lorsquils constateront que les intérêts du mineur victime ne sont pas complètement protégés.
Cet article 706-50 du Code de procédure pénale lui confère expressément comme mission :
dassurer la protection des intérêts du mineur et dexercer, sil y a lieu, au nom de ce mineur, les droits reconnus à la partie civile.
La protection des intérêts du mineur
La loi du 17 juin 1998 a innové en précisant que ladministrateur ad hoc devait assurer, outre lexercice des droits reconnus à la partie civile, « la protection des intérêts du mineur ».
Il ne peut sagir que des droits procéduraux. En aucun cas, cette écriture malheureuse du texte ne doit permettre à ladministrateur ad hoc dintervenir dans la vie, léducation du mineur ; en dautres termes tout ce qui touche à lautorité parentale.
Cela dit, la mission de ladministrateur ad hoc désigné sur le fondement de larticle 706-50 du Code de procédure pénale ne doit pas se limiter à la seule « protection des intérêts du mineur » comme on peut le lire dans certaines décisions qui le désignent.
Il doit aussi, si besoin est, exercer les droits reconnus à la partie civile.
Laction civile
Laction civile est laction en réparation dun dommage qui a son origine dans une infraction pénale. Elle appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage. En lespèce, elle est exercée en même temps que laction publique devant la juridiction répressive.
Une fois désigné, ladministrateur ad hoc est libre de définir sa propre orientation. Il dispose dun pouvoir discrétionnaire quant à lopportunité de se constituer partie civile. En effet, les termes « sil y a lieu » et « en cas de » ne créent aucune obligation à la charge de ladministrateur ad hoc.
Outre le fait que la constitution de partie civile ne peut senvisager quaux stades de linstruction et de jugement, ladministrateur ad hoc est nullement lié par la décision du magistrat qui la désigné. Il peut donc tout au long du procès pénal :
se constituer ou non partie civile,
choisir le moment de sa constitution
mais également se désister ensuite.
Un juge dinstruction qui change dadministrateur ad hoc au motif quil ne se constitue pas partie civile rapidement est contestable en droit comme le sont les désignations où ne figurent plus les termes « sil y a lieu ».
Cela dit, la constitution de partie civile est essentielle et répond à lintérêt de lenfant, car il nest plus considéré comme simple témoin, mais comme partie à la procédure. A ce titre, il peut :
participer et sassocier à la recherche de la manifestation de la vérité (faits complexes, dénégation de lauteur présumé)
demander et éventuellement obtenir réparation de son préjudice subi par lattribution dune certaine somme dargent, appelée dommages-intérêts.
De plus, il est :
- informé très exactement et de manière permanente du déroulement de la procédure par lintermédiaire de son avocat qui a seul accès au dossier pénal.
- assisté de son avocat lors des auditions et confrontations chez le juge dinstruction ainsi quaux audiences pénales. Cette assistance est de droit, étant daprès le texte pénal, liée à laction civile. Ladministrateur ad hoc est le mandant de lavocat et à ce titre, il doit conserver la maîtrise et lorientation du dossier.
Parfois, il arrive que des enfants ne souhaitent pas que lon se constitue partie civile, se sentant coupable de lincarcération de leur parent ou parce quils subissent des pressions pouvant aller jusquau chantage au suicide. En ce cas, il est important de leur dire quils ne sont en rien responsables des conséquences du signalement et que laction civile est inopérante sur laction publique diligentée par le Parquet. En dautres termes, tout retrait de plainte ou de constitution de partie civile nentraînera pas ipso facto la libération du parent incarcéré.
En tant que partie civile, ladministrateur ad hoc dispose dune grande liberté, notamment :
- pour faire des demandes dactes (expertises, contre-expertises, audition )
- faire appel des décisions,
- demander des dommages-intérêts
Mais en fait, certains administrateurs ad hoc ne disposent pas toujours de cette indépendance vis-à-vis de lautorité judiciaire. On peut se poser la question lorsque ladministrateur ad hoc fonctionne sur le registre du « faire-plaisir » ou lorsquil existe un lien de subordination entre ladministrateur ad hoc-salarié et le magistrat-employeur (membre du CA dune association exerçant des mandats femme de magistrat instructeur exerçant à titre personnel).
Quant au retrait total ou partiel de lautorité parentale, ladministrateur ad hoc peut-il le demander ? Pendant plus de 13 années, les présidents de cour dassises minterpellaient pour me demander ma position et lorsque je le sollicitais, ils y faisaient droit. Une position dissidente est de déclarer irrecevable une telle demande au motif que notre mandat est limité à laction civile et que la protection de lenfant appartient au titulaire de lautorité parentale.
La fin du mandat de ladministrateur est une phase importante et délicate pour ladministrateur ad hoc. Il devra effectuer plusieurs démarches, à savoir exécuter si nécessaire la décision rendue par la juridiction - civile ou pénale - et placer les fonds alloués à lenfant.
> Exécution de la décision judiciaire
Ce premier point suscite une interrogation : lexécution de la décision judiciaire entre-t-elle dans la mission dévolue à ladministrateur ad hoc ? Certains pensent que non, le mandat se terminant au prononcé du jugement. Dautres dont je fais partie, estiment au contraire, quelle fait partie intégrante de notre mission et ce, dautant plus que nous devons précisé dans notre rapport de fin de mission les formalités accomplies en vue du placement des dommages-intérêts (décret du 16 septembre 1999)
De plus, laction civile est une action en réparation dun dommage qui se concrétise par une demande tendant à lobtention de dommages-intérêts au nom de la victime.
Lorsque des dommages-intérêts sont alloués à un mineur, plusieurs possibilités soffrent à ladministrateur ad hoc pour faire exécuter la décision :
- le paiement spontané en une ou plusieurs fois : situation rare
- le paiement forcé par vois dhuissier en une ou plusieurs fois : là, nous pouvons nous heurter à linsolvabilité du débiteur
- le paiement par le régisseur dun centre de détention effectué sur le pécule de la personne condamnée à une peine de prison : là, les montants étant assez modiques, lindemnisation intégrale de la victime peut nécessiter de nombreuses années
- le paiement par la Commission dIndemnisation des Victimes (CIVI) dont la mission est de permettre aux victimes de certains faits dommageables dêtre indemnisées grâce à une procédure simple et relativement rapide.
Dans le cadre de sa mission, ladministrateur ad hoc est régulièrement amené à saisir la CIVI car pour le mineur victime, cette commission est souvent le seul moyen pour obtenir la réparation du préjudice quil a subi, notamment en cas de décès de la personne mise en examen ou condamnée ou en cas dinsolvabilité du débiteur condamné.
De plus, étant une juridiction autonome, lintérêt est quelle se prononce librement quant à lévaluation du dommage. Elle nest donc pas tenue par les évaluations faites par dautres juridictions, par exemple la cour dassises.
La saisine de la CIVI par ladministrateur ad hoc pose une question de fond : désigné initialement par un juge pénal, a-t-il pouvoir de saisir directement la CIVI ou doit-il se munir dun autre mandat auprès du juge des tutelles ?
Les avis sont partagés. En tant que juriste, jestime que nous navons pas à solliciter un nouveau mandat auprès du juge des tutelles pour les raisons suivantes : en raison de la nature de laction civile ; la saisine de la CIVI nest quune des modalités pratiques pour faire exécuter une décision de justice.
Dans le département de lIsère, une seule juridiction invoque le défaut de pouvoir en labsence de toute nouvelle désignation par le juge des tutelles. Il sensuit que nous devons nous adapter aux exigences des magistrats pour mener à bien notre mission.
> Placement des fonds
Il est important de souligner au préalable que toute désignation dadministrateur ad hoc, non frappée dappel et non réformée, a pour conséquence de substituer ce représentant judiciaire aux représentants légaux. Mais il ne sagit là que dune substitution partielle et limitée dans lexercice dun de leurs droits.
En dautres termes, négativement, ladministration « ad hoc » néquivaut pas à une déchéance des droits parentaux ; positivement, il sagit dune substitution de représentant limitée quant à son domaine et dans le temps.
Ces éléments de définition sont lourds de conséquences tant sur le plan juridique que pratique, en ce sens quon touche seulement à lexercice ponctuel dun droit sans remettre en cause le droit lui-même, ni le pouvoir général dadministration des biens.
Il sensuit que les parents demeurent administrateurs légaux des biens de leur enfant et en ont la jouissance légale, sils nont pas été déchus de leurs droits parentaux.
Ladministrateur ad hoc se doit dagir dans lintérêt de lenfant quil représente et ce, en toutes occasions et notamment lorsquil reçoit des fonds. Aussi, une pratique généralisée des juges des tutelles est dautoriser ladministrateur ad hoc à placer les dommages-intérêts alloués à lenfant sur un compte ouvert à son nom et bloqués jusquà sa majorité et cela, au regard des articles 382 et suivants du Code civil qui confèrent aux parents la jouissance des biens de leur enfant jusquà ce quils atteignent lâge de 16 ans. Une position dissidente a été de répondre que « désigné par un juge pénal et nayant pas de dossier ouvert au nom de lenfant, il métait expressément demandé denvoyer le chèque au représentant légal » qui, en loccurrence était lauteur des violences et le débiteur de la créance.
Par ailleurs, du point de vue de ladministrateur ad hoc, cette pratique est conseillée, sil ne veut pas voir sa responsabilité engagée par lenfant, une fois devenu majeur, si les fonds ont été dilapidés par ses parents.
Il suffit de constater que nombre dadministrateurs ad hoc sont désignés pour recouvrer des sommes indûment soustraites par les parents.
Dans un cas despèce, une mère ma adressé un certificat du juge des tutelles qui mentionnait quen sa qualité dadministratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de son enfant, elle pouvait en cette qualité et sans justifier daucune autorisation recevoir les fonds dus à son enfant. Aussi, me demandait-elle au vu de ce certificat de lui faire parvenir le montant des dommages-intérêts que javais perçu pour son fils, ce que je fis par lintermédiaire du juge des tutelles. Sa déception fut grande et sa colère envers nous autant, lorsquelle a voulu utiliser, sans succès parce que bloqués, ces fonds pour lachat dun salon.
Certains magistrats auditionnent les parents pour connaître leur position à ce sujet. Une position dissidente est de demander à ladministrateur ad hoc détablir, voire même dalléguer une incapacité quelconque de ladministrateur légal à placer et à gérer les fonds revenant au mineur.
Question : est-ce de la compétence de ladministrateur ad hoc de porter un jugement sur la capacité des parents à administrer le patrimoine de leur enfant ? En cas dévaluation négative, ne risque-t-il pas de se voir poursuivi en diffamation par les parents ?
En lespèce, refusant de faire droit à de telles demandes, il est statué à nos requêtes par un rejet pour défaut de qualité et nous sommes invités à remettre les fonds en cause à ladministrateur légal.
Parfois, lintérêt de lenfant ne justifie pas un tel placement des fonds, notamment lorsquil a besoin de suivre une thérapie.
Mais en aucun cas, ladministrateur ad hoc ou son avocat ne doit adresser au mineur les dommages et intérêts qui lui ont été alloués.
Je conclurais ce point par cette remarque : nous navons aucune vocation légale à gérer cette indemnité. Notre mandat sarrête au placement des fonds. Or, il est parfois demandé, voire exigé, aux administrateurs ad hoc, non seulement de procéder au placement des fonds mais également de veiller à la bonne gestion de lindemnité.
3°) Lart. 706-53 CPP : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ( L. n° 98-468 du 17 juin 1998 )
« Au cours de lenquête ou de linformation, les auditions ou confrontations dun mineur victime de lune des infractions mentionnées à larticle 706-47 sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge dinstruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence dun psychologue ou dun médecin spécialistes de lenfance ou dun membre de la famille du mineur ou de ladministrateur ad hoc désigné en application de larticle 706-50 ou encore dune personne chargée dun mandat du juge des enfants. »
Ce texte, institué par la loi du 17 juin 1998, a légalisé la présence dun tiers lors des auditions et confrontations du mineur victime.
Cette disposition mérite quelques commentaires critiques. Tout dabord, son application est limitée :
·aux infractions mentionnées à lart. 706-47 CPP, cest-à-dire :
- au meurtre ou assassinat de mineur précédé ou accompagné dun viol, de tortures ou actes de barbarie. Infraction inapplicable en lespèce de par le décès de la victime
- viol commis par violence, contrainte, menace ou surprise (art. 222-23 CP)
- exhibition sexuelle (art. 222-32 CP)
- le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption dun mineur ou le fait dorganiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe (art. 227-22 CP)
- les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de plus de 15 ans et non émancipé par le mariage commises par un ascendant ou par personne ayant autorité (art. 227-27 CP).
Les atteintes sexuelles commises sur mineur de 15 ans ainsi que la maltraitance physique sont exclues du champ dapplication de lart. 706-53 CPP. En dautres termes, la présence dun tiers aux auditions, confrontations nest pas un droit pour ces enfants victimes.
· aux 2 premières phases du processus pénal : enquête préliminaire et instruction, non à la phase de jugement.
Ensuite, ce tiers peut être :
- soit un psychologue ou un médecin spécialistes de lenfance
- soit un membre de la famille du mineur
- soit un administrateur ad hoc désigné par le procureur de la République ou le juge dinstruction
- soit une personne chargée dun mandat du juge des enfants
Un seul dentre eux peut être présent. Il ny a pas prééminence de lun par rapport à lautre. Il revient donc au procureur de la République ou au juge dinstruction de choisir laccompagnateur de lenfant parmi cette liste.
Il sensuit que ladministrateur ad hoc qui est partie à la procédure, qui devra faire des choix au nom de lenfant et conformément à son intérêt peut se trouver évincé de ces moments forts de la procédure pénale. Au regard de la mission qui lui est impartie : action civile et protection des intérêts de lenfant victime, il aura des choix à faire pour lesquels il peut engager sa responsabilité. Ne doit-il pas bénéficier dun statut particulier au regard des personnes énumérées et avoir prééminence sur les autres en raison de sa mission particulière. Il est partie à la procédure et non simple « témoin taisant ».
De plus, le texte ne précise pas la nature du mandat confié par le juge des enfants. Ainsi, dans le cadre de son mandat, ladministrateur ad hoc peut avoir affaire à deux sortes déducateur, lun chargé dune mesure de protection, lautre chargé dune mission daccompagnement.
Quant aux modalités pratiques, la présence de ce tiers peut être décidée à linitiative du procureur de la République ou du juge dinstruction. Ces magistrats nont pas à solliciter laccord de lenfant victime comme certains le font. Par ailleurs, le mineur ou son représentant légal (parent ou tuteur) peut en faire aussi la demande. En ce cas, le magistrat doit faire droit à cette demande. Il est regrettable que ladministrateur ad hoc ne soit pas autorisé par le texte à en faire lui-même la demande au magistrat. Cela se justifie dautant plus lorsque lenfant est jeune ou immature et lorsque le représentant légal est lui-même mis en examen en tant quauteur présumé.
Quant au choix du tiers, seuls les magistrats peuvent en décider (à linstar de la désignation de ladministrateur ad hoc).
La présence dun tiers nest donc pas obligatoire et cela relève principalement du pouvoir discrétionnaire des magistrats.
La finalité de ce texte est de reconnaître à lenfant victime :
- le droit de ne pas être seul au cours de la procédure
- le droit de bénéficier dun soutien moral
La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 3 octobre 2001, que cet article était écrit dans lintérêt de lenfant victime.
Or, de plus en plus de magistrats instructeurs convoquent ladministrateur ad hoc en tant que partie civile tout en refusant sa présence. Les arguments avancés sont les suivants :
- leurs seuls interlocuteurs valables : lenfant et lavocat. Cest ni plus ni moins, considérer ladministrateur ad hoc comme un prête-nom, permettre à lenfant dêtre assisté dun avocat. Il est relégué à un rôle purement administratif.
- permettre à lenfant davoir une parole libre au regard du conflit familial. Cela revient à le confondre avec le parent. Or, sil se substitue aux parents, il nest pas un des parents. Il est neutre, indépendant par rapport au litige.
- Il na pas à avoir plus de droit que les parents, dans la mesure où les auditions se font hors leur présence. Certes, mais cette disposition pénale ne traite pas ladministrateur ad hoc de la même manière. Le parent peut seulement demander la présence dun tiers sans pouvoir assister lui-même à laudition. En effet, le texte fait référence au représentant légal comme demandeur et à un membre de la famille comme tiers pouvant être présent.
Que penser de cette convocation à partie civile reçue avec la mention en caractères gras « Votre présence, lors de laudition, nest pas requise » et du PV de 1ère audition qui sen est suivi où lenfant est seul avec lavocat mandaté par ladministrateur ad hoc, précisant que la partie civile est avisée de son droit de formuler une demande dacte ou de présenter une requête en annulation durant le déroulement de linformation ?
Une telle conception nest pas sans conséquences :
- des enfants nous reprochent de les avoir abandonnés
- des avocats fonctionnent de manière indépendante, voire nous excluent de la procédure
Il est apparu évident pour nombre de personnes, que la mission de ladministrateur ad hoc allait bien au-delà de celle fixée par les textes : laction civile. De par la qualité de la victime et de la nature de la procédure, laspect humain sest avéré primordial et indissociable de laspect juridique.
Tous les professionnels confrontés aux problèmes de maltraitance intra-familiale insistent sur la fragilité et la solitude de ces enfants, les pressions et manipulations quils subissent, leur besoin dêtre écouté, accompagné et protégé. Ils souffrent fréquemment de troubles psychologiques ou psychiques qui se manifestent de diverses manières : tentatives de suicide, fugues, agressivité, instabilité, troubles du sommeil, mutisme, échec scolaire
Aussi, il est impératif quune fois désigné, ladministrateur ad hoc établisse une relation de confiance avec lenfant, linforme quil est là pour lui, dans son intérêt, pour laccompagner tout au long de la procédure. Cela suppose quil sengage avec volonté et discernement. La confiance nest jamais automatique. Elle se gagne pas à pas, au quotidien. De plus, elle comporte toujours une prise de risque. Elle exige de mettre en accord les paroles et les actes, cest-à-dire de faire ce que lon dit, et dire ce que lon fait. Elle appelle aussi la cohérence, la transparence, cest-à-dire la nécessité dexpliquer, dexposer les critères de décision. Enfin, elle suppose une bonne intégrité personnelle : savoir dire non, expliquer pourquoi, ne pas accepter les dérives, les amalgames, les solutions contraires à lintérêt de lenfant. Ainsi, ladministrateur ad hoc ne doit pas se laisser manipuler par lenfant qui peut essayer dobtenir de lui ce quil ne peut pas des autres intervenants, notamment de ses éducateurs. Il doit en ce cas, être vigilant, se positionner très clairement par rapport à la demande de lenfant, tout en lassurant que sa confiance nest pas remise en cause.
Les auditions, confrontations, expertises et procès pénal sont des temps judiciaires particulièrement forts sur le plan émotionnel. Le concours de lenfant victime à la manifestation de la vérité est nécessaire mais ces mesures prescrites sont susceptibles de raviver des souvenirs douloureux ou de provoquer de nouvelles meurtrissures en cas de dénégation ou de déclaration mensongère de lauteur présumé. Là, ladministrateur ad hoc peut jouer un rôle important daide et de soutien, car lenfant va passer successivement à des stades différents : de victime, il va devenir accusateur par sa révélation ; puis menteur lorsque les faits sont contestés ; puis de nouveau victime lorsque la contestation est forte et quil napporte pas la preuve de ce quil a subi.
Ladministrateur ad hoc doit prendre le temps dexpliquer à lenfant le rôle respectif de chaque intervenant dont le sien. Cette clarification est nécessaire afin déviter toute confusion. Ainsi, lenfant sait très bien qui fait quoi et à quelle personne sadresser en cas de demande particulière.
Sil est important de ne rien cacher à lenfant des aléas de la procédure, dêtre clair, authentique, il est également important dutiliser un langage adapté, de choisir le moment et la manière. Ladministrateur ad hoc ne doit jamais perdre de vue quil a en face de lui une personne très fragile accordant peu ou plus confiance à ladulte.
Dans ce contexte, il est essentiel que ladministrateur ad hoc soit à lécoute de la souffrance de lenfant et ne lui impose pas ses choix de façon arbitraire. Il doit laisser ses préjugés, craintes, jugements de côté et savoir quun enfant qui nest pas écouté ne parlera pas.
En matière dinceste ou dagression sexuelle, il est incontestable que la victime mineure attend plus de son administrateur ad hoc, quun rôle purement juridique. Cf témoignage de Malika, victime dinceste.
Il mest arrivé :
- de témoigner en justice de la souffrance de lenfant, de lambiguïté de la mère, des pressions et menaces exercées par la famille
- de restituer des confidences reçues par lenfant avec son accord, soit parce quil nétait pas libre dexprimer son opinion, soit parce quil est incapable de le faire (sidération).
Par ailleurs, lintérêt de lenfant exige que ladministrateur ad hoc travaille en partenariat, en collaboration avec lavocat mais aussi avec les travailleurs sociaux lorsquil y a une mesure dassistance éducative en milieu ouvert ou lorsque lenfant est placé.
Mais le partenariat suppose une reconnaissance mutuelle et un rapport de forces qui ne traduise pas une dominance des uns sur les autres. Le partenariat suppose des qualités mais également de laisser « chacun bien identifié, à sa place mais en complémentarité à lautre ».
La loi du 17 juin 1998 a confirmé dune certaine manière cette conception du mandat : à la fois juridique et daccompagnement. En effet, lart. 706-50 CPP permet désormais au procureur de la République de désigner lui-même un administrateur ad hoc, cest-à-dire dès la phase de lenquête préliminaire. Il va de soi quà ce stade de la procédure, sa mission ne peut être juridique.
Par ailleurs, si lon se réfère aux travaux préparatoires de la loi du 17 juin 1998 et à lart. 706-53 CPP, il est demandé à ladministrateur ad hoc, par « sa présence », dassurer le soutien moral et psychologique de lenfant. Cette présence est également prévue dans le cadre de linstruction, tant pour les auditions que pour les confrontations.
Le législateur en 1998 voulait que lenfant victime ne soit pas seul dès le signalement :
- en donnant pouvoir au procureur de la République de désigner lui-même un administrateur ad hoc dès la phase de lenquête préliminaire
- en faisant en sorte que des personnes compétentes soient à ses côtés au cours de lenquête préliminaire ou de linformation, aux auditions et confrontation.
Or, on peut constater que dans nombre de juridictions, aucune de ces dispositions ne sont appliquées. Il sensuit que les enfants victimes ne font lobjet, ni dune représentation, ni dun accompagnement.
Nous touchons là aux limites humaines. Les textes sont là, cest leur application qui fait défaut.
Je dirais même que les cabinets dinstruction nous sont fermés depuis quun texte légal a légalisé la possibilité dautoriser la présence dun tiers lors de laudition du mineur victime.
4°) Lart. R 53-8 CPP
Ce nouvel article institué par le décret du 16 septembre 1999 exige que dans les 3 mois de lachèvement de sa mission, ladministrateur ad hoc transmette à lautorité qui la désigné, un rapport dans lequel sont détaillées les démarches effectuées pour lexercice de sa mission ainsi que les formalités accomplies en vue du placement des sommes perçues par le mineur. Sil est facile de cerner lobjectif poursuivi par cette obligation, elle nécessite dêtre précisée.
Le contenu du rapport doit se distinguer de celui quest tenu de rédiger léducateur chargé dune mission dassistance éducative conformément à larticle 375-2 du Code civil. Il sagit ici pour ladministrateur ad hoc de retranscrire la fréquence de ses rencontres avec lenfant, son avocat; sa présence aux auditions, confrontations, audiences pénales. Cette affirmation repose sur ce constat : lobligation de rendre compte ne concerne que les mandats pénaux, seuls mandats pris en charge financièrement par lEtat. Ainsi, le gouvernement a posé le principe dun contrôle a posteriori de leffectivité du travail de ladministrateur ad hoc, dès lors quil a accepté de lindemniser.
Par ailleurs, cet article nous donne une information quant à savoir quand laction civile prend-elle fin :
- au prononcé de la décision
- après lexécution du jugement
Dans la mesure où laction civile a pour finalité de demander réparation du préjudice subi, par lattribution de dommages-intérêts, la logique juridique voudrait que la mission de ladministrateur ad hoc prenne fin après lobtention intégrale de lindemnité allouée au mineur.
Dans la mesure où ladministrateur ad hoc doit le cas échéant, informer le magistrat qui la désigné des formalités accomplies en vue du placement des sommes perçues pour le mineur à loccasion de la procédure, cela inclut donc implicitement dans les attributions de ladministrateur ad hoc la phase dexécution de la décision sur intérêt civil jusquà la perception et au placement des sommes attribuées au mineur.
En tout état de cause, le mandat prendra fin avec la majorité de la victime conformément à larticle 488 du Code civil : « La majorité est fixée à 18 ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile ».
Mais si la victime le demande, une mission de soutien peut se poursuivre jusquà laudience pénale.
Lindemnisation de ladministrateur ad hoc
Si la justice est rendue gratuitement, les moyens de lobtenir ne sont pas gratuits. Ladministrateur ad hoc devra engager des frais pour exercer son mandat. Ils peuvent être conséquents en raison de la nature des procédures et de leur longueur. Jusquau décret du 16 septembre 1999, il nexistait aucun texte particulier prévoyant lindemnisation de ladministrateur ad hoc. Plusieurs pistes ont été explorées reposant sur des textes généraux ou des règles spéciales mais aucun deux nétant adapté à ce système, cétait par une interprétation parfois très large quils étaient appliqués. Il va sans dire quun tel tour de force était synonyme de fragilité, pouvant être remis en cause à tout moment.
Selon le décret du 16 septembre 1999, les dépenses engagées par ladministrateur ad hoc, désigné sur le fondement de larticle 706-50 CPP, entrent dans la catégorie des frais de justice (art. R 92 CPP). Elles sont à la charge de lEtat.
Par contre, celles engagées par ladministrateur ad hoc, désigné sur le fondement des textes civils (art 389-3 et 388-2 C. civ.), sont à la charge, soit de la partie condamnée aux dépens, soit de la partie indiquée par le juge qui a désigné ladministrateur ad hoc (assimilées aux frais de justice pénale).
Il sensuit que ladministrateur ad hoc a obligation dans la 1ère situation de transmettre au juge qui la désigné, un rapport de fin de mission dans lequel sont détaillées les démarches accomplies. Il sagit dun contrôle a posteriori de la manière dont a été exercé le mandat.
Cette indemnité est forfaitaire quel que soit le montant des frais exposés par ladministrateur ad hoc. Ce dernier na donc pas à le chiffrer précisément lorsquil fait sa demande dindemnisation. De même, les magistrats ne peuvent le majorer ou le minorer.
Le barème selon lart. R 216 CPP est le suivant :
- désignation par le procureur de la République dans le cadre dune enquête préliminaire uniquement ou pour intervenir devant le tribunal correctionnel saisi sur citation directe = 228,67
- désignation par la juridiction de jugement pour représenter un enfant durant la phase de jugement, voies dappel comprises = 152,45
- lorsque les frais (plutôt faits) ont donné lieu à louverture dune information devant le juge dinstruction = 381,12 .
Lorsquil y a plusieurs enfants dune même fratrie, lindemnité est réduite de 50 % pour chaque enfant à partir du 2ème.
Si les 2 premiers points sont clairs, règne une ambiguïté à propos du dernier. Le texte ne fait pas référence à la qualité du magistrat. On peut avancer lidée que la désignation peut émaner aussi bien du procureur de la République que du juge dinstruction. Mais peut-on aller jusquà inclure la phase de jugement dans la mesure où il est fait référence à une phase du procès pénal, à savoir linstruction ? Quid alors de la phase de jugement ?
Est-il normal, équitable, que ladministrateur ad hoc perçoive la même indemnisation :
- lorsque son mandat se limite à la phase dinstruction uniquement et lorsquil se prolonge par la phase de jugement, voire de la phase dappel, notamment après appel dun arrêt de condamnation rendu par la cour dassises où là, il doit se rendre dans un autre département.
- lorsque son mandat est de quelques semaines, voire quelques jours et lorsquil dure plusieurs années (3 à 5 ans en moyenne).
Cette indemnité a vocation à couvrir lensemble des frais exposés pour la défense des intérêts du mineur. Or, le constat est le suivant : le financement des mandats judiciaires est insuffisant au regard de la durée des mandats et de la multiplicité de nos interventions. Aux frais de déplacement et de secrétariat, il faut inclure les frais de formation, dassurance et de supervision.
Aucune autre indemnité ne pouvant être allouée à ladministrateur ad hoc par lEtat, il lui reste la possibilité de demander lors de laudience, une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles (art. 700 NCPC, art. 375 et 475-1 CPP), qui sera à la charge de la partie condamnée aux dépens ou à défaut, la partie perdante. En ce cas, il faut compter :
- avec le pouvoir dappréciation de la juridiction pour vous laccorder ou la refuser, au nom de léquité ou de la situation économique de la partie condamnée
- avec le bon vouloir des avocats pour vous la rétrocéder.
Certains administrateurs ad hoc obtiennent le remboursement de leurs frais de déplacement en plus de lindemnité forfaitaire.
Cette interprétation restrictive peut avoir un effet pervers et se révéler contraire aux intérêts de lenfant. En effet, le risque est que ladministrateur ad hoc nuse pas des voies de recours qui lui sont offertes.
Une autre conséquence est que certaines structures ne peuvent faire appel quà des bénévoles pour exercer les mandats.
On ne peut dès lors, que regretter que le gouvernement nait pas pris comme base de référence, les phases du procès : enquête préliminaire, instruction, jugement, appel, cassation, à linstar de ce qui existe pour les avocats.
Au regard dautres mesures, le montant de lindemnisation de ladministrateur ad hoc est dérisoire.
Par exemples :
- une enquête sociale dune durée de 3 mois, ordonnée par un juge aux affaires familiales est rémunérée en moyenne 800 pour une intervention denviron 25/30 heures. A ce forfait sajoutent les frais de déplacement.
- une mesure de réparation pénale dune durée de 4 mois est payée en moyenne 650 . Les frais de déplacement sont compris dans ce forfait. Elle comprend 3 à 5 interventions dun travailleur social en moyenne.
- une mesure dinvestigation et dorientation éducative, dune durée de 6 mois est payée en moyenne 2.600 sous la forme de prix de journée. Les frais de déplacement sont inclus dans le montant du prix de journée. Elle comprend une dizaine dinterventions dun travailleur social, une rencontre avec un médecin psychiatre et 2 rencontres avec un psychologue en moyenne.
Une demande de provision est prévue à lart. R 216-1 CPP
Plusieurs conditions doivent être réunies pour solliciter une provision auprès du juge dinstruction :
- nécessité dune information judiciaire
- de la compétence exclusive du juge dinstruction
- ladministrateur ad hoc doit la demander
- délai minimum de 6 mois après sa désignation
- obligation de transmettre un rapport récapitulant les démarches effectuées et les formalités accomplies
- montant maximum = 228,67 .
Lorsque ladministrateur ad hoc est désigné sur le fondement des textes civils, lindemnité forfaitaire est de 152,45 .
Il est coutume de dire que le processus judiciaire constitue un véritable parcours du combattant pour la victime. Ce fût le cas pendant une dizaine dannées pour les administrateurs ad hoc non salariés dune structure, pour obtenir lindemnisation de leurs frais. Mais force est de constater que malgré le décret du 16 septembre 1999, nombre dadministrateurs ad hoc restent des mendiants impénitents, à savoir :
- solliciter auprès des Conseils généraux le financement complémentaire de leurs mandats. Cf « note sur les difficultés économiques structurelles posées par les missions dadministration ad hoc » SISAE.
- nombre de demandes dindemnisation ont plus de 2 ans.
Certaines structures ont cessé dexercer des mandats, en raison du déficit chronique. Limplication des Conseils généraux est variable dun département à lautre (Chrysallis perçoit une subvention annuelle de fonctionnement de 4600 depuis 3 ans pour 58000 , 69000 , voire 240000 dans dautres départements). Leur soutien est fragile, pouvant être remis en cause chaque année
Il nexiste aucun consensus en la matière : on voit tout et son contraire, dun département à lautre, dune juridiction à lautre, dune structure à lautre, voire dun professionnel à lautre. Voltaire parlant de la France sous lAncien Régime, disait que le voyageur y changeait de droit aussi souvent que de chevaux. On pourrait fort bien reprendre cette formule en ce qui concerne lexercice des droits des enfants par un administrateur ad hoc.
Cela se retrouve à tous les niveaux : > lors de sa désignation :
> à propos du contenu du mandat
> à propos de son financement
> revoir la procédure dagrément afin de permettre aux enfants une représentation indépendante du pouvoir judiciaire
> uniformiser les pratiques : cela concerne les
- magistrats
- administrateurs ad hoc
- avocats
> professionnaliser :
- donner les moyens intellectuels, matériels et financiers aux administrateurs ad hoc.
- en raison des exigences de compétence, de disponibilité et de responsabilité, ce mandat ne peut plus être exercé de manière bénévole.
- pour atteindre 2 objectifs essentiels : compétence et pérennisation
Le procès dOutreau a mis en exergue le problème de la partialité de divers intervenants, notamment le Conseil général du Pas de Calais, désigné administrateur ad hoc des enfants victimes. Dès quun enfant révèle des faits dagression sexuelle quil dit avoir subis, tout professionnel doit sinterroger sur le sens de sa parole : qua-t-il voulu dire précisément ?
Ce thème intéresse ladministrateur ad hoc et pose la problématique de sa place dans la procédure et du contenu de sa mission ; par extension de la revalorisation de son mandat.
En dautres termes, il convient de le doter dun véritable statut juridique et financier