Les dossiers de Chrysallis

Représentation et accompagnement de l’enfant victime par un administrateur ad hoc

Dans le cadre de la "Commission Outreau", Madame Geneviève FAVRE-LANFRAY a rédigé un rapport qui a été validé.

 

 

Représentation et accompagnement de l’enfant victime par un administrateur ad hoc

Geneviève FAVRE-LANFRAY

Docteur en Droit

Administrateur ad hoc

Présidente-Fondatrice de l’Association Chrysallis

 

« Tout individu en droit est une personne, sujet de droit et donc titulaire de toutes les prérogatives de caractère privé, qui résultent de la personnalité juridique. Ce sont les droits fondamentaux de la personne humaine, reconnus par la Constitution française et par un certain nombre de conventions auxquelles la France a adhéré ».

Ainsi, toute personne peut saisir la justice pour revendiquer un droit ou pour demander réparation du préjudice subi. Mais pour l’enfant, considéré en certaines circonstances comme juridiquement incapable, un régime particulier de protection lui est imposé en raison de son âge et de sa faiblesse. Il s’ensuit que jusqu’à sa majorité s’il n’est pas émancipé, ses parents doivent le remplacer pour accomplir certains actes en son nom. La représentation du mineur est donc liée à son incapacité d’exercice, à laquelle elle supplée.

 

Il incombe à l’Etat que l’enfant puisse de manière générale exercer effectivement ses droits, et en particulier dans les procédures familiales qui l’intéressent, soit en ayant directement accès à la justice, soit en instituant un mécanisme de substitution. C’est ainsi que le législateur a prévu le recours à un administrateur ad hoc, lorsque les intérêts du mineur sont en opposition avec ceux de ses représentants légaux ou lorsque la protection de ses intérêts n’est pas complètement protégée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux.

Le terme «  ad hoc » est une locution latine signifiant « en vue de cela », « en remplacement de ». Cette expression s’applique « à toute personne ou à tout organe à qui est assigné une mission précise et momentanée et qui reçoit des pouvoirs limités à cette fin ».

En l’absence de définition légale, une personne « ad hoc » est, selon le Larousse, une personne compétente, parfaitement qualifiée pour la tâche qu’on lui confie. A ce titre, on peut dire que l’administrateur ad hoc est un représentant spécial, désigné par un magistrat, qui se substituera aux représentants légaux pour représenter leur enfant mineur dans une procédure en cours ou à l’occasion d’un acte. Il a donc qualité pour exercer aux nom et lieu du mineur qu’il représente, ses droits, dans la limite de la mission qui lui est confiée.

 

Le cadre légal de l’intervention de l’administrateur ad hoc

Aborder le thème de la mission de l’administrateur ad hoc, c’est à la fois :

lui donner un champ d’intervention

poser des limites

C’est poser les questions :que doit-il faire ?

jusqu’où peut-il aller ?

Ma formation de juriste mais surtout mes recherches doctorales sur ce sujet m’ont aidé à cadrer le mandat de l’administrateur ad hoc au regard des règles légales. Il y a des sujets qui sont plus enclins que d’autres à susciter une polémique, voire qui l’exigent. Tel est le cas lorsqu’on aborde la représentation « ad hoc » du mineur. Tenter de définir le plus précisément sa nature est un travail essentiel afin d’éviter les confusions, lever les ambiguïtés et comprendre les difficultés que rencontrent en pratique les administrateurs ad hoc. On ne peut faire abstraction de cet exercice, difficile au demeurant.

En matière pénale, je m’appuierais sur 4 textes pour cerner le contenu du mandat de l’administrateur ad hoc :

 

1°) L’art. 389-3 C. civ. : De la tutelle

« L’administrateur légal représentera le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.

Quand ses intérêts sont en opposition avec ceux du mineur il doit faire nommer un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. (L. n° 93-22 du 8 janv. 1993) A défaut de diligence de l’administrateur légal, le juge peut procéder à cette nomination à la demande du ministère public, du mineur lui-même ou d’office. »

Ce texte est le fondement même de la représentation du mineur. Institué en 1910, il a été modifié à 2 reprises :

par la loi du 14 décembre 1964 qui a institué le juge des tutelles et réformé le droit des incapables mineurs

par la loi du 8 janvier 1993 qui a élargi les modalités de désignation de l’administrateur ad hoc

Il ressort de ce texte que la représentation du mineur est une des modalités d’exercice des droits du mineur et qu’il n’a pas à être représenté :

lorsqu’une disposition légale lui confère expressément le pouvoir d’agir seul (assistance éducative – délinquance juvénile) lorsque l’usage le lui permet

Ce texte relatif à la représentation est laconique : il parle de représenter le mineur dans une procédure ou lors d’un acte civil.

Action en remplacement d’autrui, la représentation suppose l’accomplissement d’un acte juridique ou d’une action par une personne qui n’intervient pas en son propre nom mais au nom d’autrui, qui n’agit pas pour son compte mais pour le compte d’autrui. Cette définition met l’accent sur le rôle essentiel du représentant qui agit par substitution, qui par la volonté exprimée, va engager la personne qu’il remplace. Les effets de l’acte ne sont pas supportés par celui qui agit, le représentant, mais par celui au nom duquel on agit, le représenté.

Dans ce contexte, l’administrateur ad hoc agit au nom et pour le compte du mineur avec cette particularité que ce dernier n’émet pas lui-même son propre choix ou la volonté qui forme l’acte juridique. Bien que personne juridique, le mineur disparaît derrière l’écran de la représentation.

Cela dit, la représentation, moyen juridique pour pallier l’incapacité d’exercice et conçue dans l’intérêt de l’incapable, ne doit pas se révéler violente dans sa mise en œuvre. Représenter un mineur, c’est comme on vient de le voir, prendre sa place sur la scène judiciaire. Faut-il alors l’exclure de toutes les décisions importantes qui le concernent ? Dans la mesure où c’est lui qui supportera les conséquences de la décision judiciaire, n’est-ce pas en ce cas, une autre forme de violence que de le maintenir dans un état d’incapacité, c’est-à-dire décider sans lui ou contre lui au nom de ses intérêts ? Que dire de ces administrateurs ad hoc qui prennent des décisions sans avoir rencontré l’enfant et qui l’excluent de la procédure ? Pour eux, la justice est une affaire d’adultes où les enfants n’ont pas leur place. Or, ces enfants, n’ayant pu exprimer leur sentiment, n’ayant pas été informés, se sentent dépossédés de leur affaire. Cette pratique n’est pas à préconiser car on risque de rejouer le même scénario familial, à savoir substituer un autre abus de pouvoir, d’autorité au premier. Elle crée ce que l’on appelle une « victimation secondaire » ou une « surviolence » entraînant des conséquences psychologiques néfastes pour l’enfant.

Aussi, suis-je favorable à une autre conception plus large mais aussi plus humaniste du mandat. Dans les faits, cela consiste à entrer en communication avec lui, l’écouter et lui restituer les enjeux des décisions prises pour lui. Cette conception exclut toute généralisation, toute règle préétablie. Cela suppose une étude très précise et complète de la situation avant toute prise de décision.

En cas de divergence entre la parole exprimée par l’enfant et la position arrêtée par son représentant, il est important que l’administrateur ad hoc demande à l’avocat d’exprimer ces deux positions à l’audience.

2°) L’art. 706-50 CPP : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ( L. n° 98-468 du 17 juin 1998 )

« Le procureur de la république ou le juge d’instruction, saisi de faits commis volontairement à l’encontre d’un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux. L’administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s’il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d’office pour le mineur s’il n’en a pas déjà été choisi un.

Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement. »

Texte qui a remplacé l’art. 87-1 CPP institué par la loi du 10 juillet 1989 de portée trop restrictive. Il s’ensuit depuis juin 1998 des modifications substantielles :

la suppression de toute référence à la qualité de l’auteur de l’infraction fait que toute forme de maltraitance, qu’elle soit exercée par le parent exerçant l’autorité parentale ou non, est visée.

la désignation d’un administrateur ad hoc dès la phase de l’enquête préliminaire, 1ère phase du processus pénal

l’obligation pour les juges pénaux de désigner un administrateur ad hoc lorsqu’ils constateront que les intérêts du mineur victime ne sont pas complètement protégés.

Cet article 706-50 du Code de procédure pénale lui confère expressément comme mission :     

d’assurer la protection des intérêts du mineur et d’exercer, s’il y a lieu, au nom de ce mineur, les droits reconnus à la partie civile.

 

La protection des intérêts du mineur

 

La loi du 17 juin 1998 a innové en précisant que l’administrateur ad hoc devait assurer, outre l’exercice des droits reconnus à la partie civile, « la protection des intérêts du mineur ».

Il ne peut s’agir que des droits procéduraux. En aucun cas, cette écriture malheureuse du texte ne doit permettre à l’administrateur ad hoc d’intervenir dans la vie, l’éducation du mineur ; en d’autres termes tout ce qui touche à l’autorité parentale.

Cela dit, la mission de l’administrateur ad hoc désigné sur le fondement de l’article 706-50 du Code de procédure pénale ne doit pas se limiter à la seule « protection des intérêts du mineur » comme on peut le lire dans certaines décisions qui le désignent.

Il doit aussi, si besoin est, exercer les droits reconnus à la partie civile.

 

L’action civile

 

L’action civile est l’action en réparation d’un dommage qui a son origine dans une infraction pénale. Elle appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage. En l’espèce, elle est exercée en même temps que l’action publique devant la juridiction répressive.

Une fois désigné, l’administrateur ad hoc est libre de définir sa propre orientation. Il dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant à l’opportunité de se constituer partie civile. En effet, les termes « s’il y a lieu » et « en cas de » ne créent aucune obligation à la charge de l’administrateur ad hoc.

Outre le fait que la constitution de partie civile ne peut s’envisager qu’aux stades de l’instruction et de jugement, l’administrateur ad hoc est nullement lié par la décision du magistrat qui l’a désigné. Il peut donc tout au long du procès pénal :

se constituer ou non partie civile,

choisir le moment de sa constitution

mais également se désister ensuite.

Un juge d’instruction qui change d’administrateur ad hoc au motif qu’il ne se constitue pas partie civile rapidement est contestable en droit comme le sont les désignations où ne figurent plus les termes « s’il y a lieu ».

Cela dit, la constitution de partie civile est essentielle et répond à l’intérêt de l’enfant, car il n’est plus considéré comme simple témoin, mais comme partie à la procédure. A ce titre, il peut :

participer et s’associer à la recherche de la manifestation de la vérité (faits complexes, dénégation de l’auteur présumé)

demander et éventuellement obtenir réparation de son préjudice subi par l’attribution d’une certaine somme d’argent, appelée dommages-intérêts.

De plus, il est :

- informé très exactement et de manière permanente du déroulement de la procédure par l’intermédiaire de son avocat qui a seul accès au dossier pénal.

- assisté de son avocat lors des auditions et confrontations chez le juge d’instruction ainsi qu’aux audiences pénales. Cette assistance est de droit, étant d’après le texte pénal, liée à l’action civile. L’administrateur ad hoc est le mandant de l’avocat et à ce titre, il doit conserver la maîtrise et l’orientation du dossier.

Parfois, il arrive que des enfants ne souhaitent pas que l’on se constitue partie civile, se sentant coupable de l’incarcération de leur parent ou parce qu’ils subissent des pressions pouvant aller jusqu’au chantage au suicide. En ce cas, il est important de leur dire qu’ils ne sont en rien responsables des conséquences du signalement et que l’action civile est inopérante sur l’action publique diligentée par le Parquet. En d’autres termes, tout retrait de plainte ou de constitution de partie civile n’entraînera pas ipso facto la libération du parent incarcéré.

En tant que partie civile, l’administrateur ad hoc dispose d’une grande liberté, notamment :

- pour faire des demandes d’actes (expertises, contre-expertises, audition…)

- faire appel des décisions,

- demander des dommages-intérêts

Mais en fait, certains administrateurs ad hoc ne disposent pas toujours de cette indépendance vis-à-vis de l’autorité judiciaire. On peut se poser la question lorsque l’administrateur ad hoc fonctionne sur le registre du « faire-plaisir » ou lorsqu’il existe un lien de subordination entre l’administrateur ad hoc-salarié et le magistrat-employeur (membre du CA d’une association exerçant des mandats – femme de magistrat instructeur exerçant à titre personnel).

Quant au retrait total ou partiel de l’autorité parentale, l’administrateur ad hoc peut-il le demander ? Pendant plus de 13 années, les présidents de cour d’assises m’interpellaient pour me demander ma position et lorsque je le sollicitais, ils y faisaient droit. Une position dissidente est de déclarer irrecevable une telle demande au motif que notre mandat est limité à l’action civile et que la protection de l’enfant appartient au titulaire de l’autorité parentale.

La fin du mandat de l’administrateur est une phase importante et délicate pour l’administrateur ad hoc. Il devra effectuer plusieurs démarches, à savoir exécuter si nécessaire la décision rendue par la juridiction - civile ou pénale - et placer les fonds alloués à l’enfant.

 

> Exécution de la décision judiciaire

 

Ce premier point suscite une interrogation : l’exécution de la décision judiciaire entre-t-elle dans la mission dévolue à l’administrateur ad hoc ? Certains pensent que non, le mandat se terminant au prononcé du jugement. D’autres dont je fais partie, estiment au contraire, qu’elle fait partie intégrante de notre mission et ce, d’autant plus que nous devons précisé dans notre rapport de fin de mission les formalités accomplies en vue du placement des dommages-intérêts (décret du 16 septembre 1999)

De plus, l’action civile est une action en réparation d’un dommage qui se concrétise par une demande tendant à l’obtention de dommages-intérêts au nom de la victime.

Lorsque des dommages-intérêts sont alloués à un mineur, plusieurs possibilités s’offrent à l’administrateur ad hoc pour faire exécuter la décision :

 -  le paiement spontané en une ou plusieurs fois : situation rare

-  le paiement forcé par vois d’huissier en une ou plusieurs fois : là, nous pouvons nous heurter à l’insolvabilité du débiteur

-  le paiement par le régisseur d’un centre de détention effectué sur le pécule de la personne condamnée à une peine de prison : là, les montants étant assez modiques, l’indemnisation intégrale de la victime peut nécessiter de nombreuses années

-  le paiement par la Commission d’Indemnisation des Victimes (CIVI) dont la mission est de permettre aux victimes de certains faits dommageables d’être indemnisées grâce à une procédure simple et relativement rapide. 

Dans le cadre de sa mission, l’administrateur ad hoc est régulièrement amené à saisir la CIVI car pour le mineur victime, cette commission est souvent le seul moyen pour obtenir la réparation du préjudice qu’il a subi, notamment en cas de décès de la personne mise en examen ou condamnée ou en cas d’insolvabilité du débiteur condamné. 

De plus, étant une juridiction autonome, l’intérêt est qu’elle se prononce librement quant à l’évaluation du dommage. Elle n’est donc pas tenue par les évaluations faites par d’autres juridictions, par exemple la cour d’assises. 

La saisine de la CIVI par l’administrateur ad hoc pose une question de fond : désigné initialement par un juge pénal, a-t-il pouvoir de saisir directement la CIVI ou doit-il se munir d’un autre mandat auprès du juge des tutelles ?

Les avis sont partagés. En tant que juriste, j’estime que nous n’avons pas à solliciter un nouveau mandat auprès du juge des tutelles pour les raisons suivantes : en raison de la nature de l’action civile ; la saisine de la CIVI n’est qu’une des modalités pratiques pour faire exécuter une décision de justice.

Dans le département de l’Isère, une seule juridiction invoque le défaut de pouvoir en l’absence de toute nouvelle désignation par le juge des tutelles. Il s’ensuit que nous devons nous adapter aux exigences des magistrats pour mener à bien notre mission.

 

> Placement des fonds 

Il est important de souligner au préalable que toute désignation d’administrateur ad hoc, non frappée d’appel et non réformée, a pour conséquence de substituer ce représentant judiciaire aux représentants légaux. Mais il ne s’agit là que d’une substitution partielle et limitée dans l’exercice d’un de leurs droits.

En d’autres termes, négativement, l’administration « ad hoc » n’équivaut pas à une déchéance des droits parentaux ; positivement, il s’agit d’une substitution de représentant limitée quant à son domaine et dans le temps.

Ces éléments de définition sont lourds de conséquences tant sur le plan juridique que pratique, en ce sens qu’on touche seulement à l’exercice ponctuel d’un droit sans remettre en cause le droit lui-même, ni le pouvoir général d’administration des biens.

Il s’ensuit que les parents demeurent administrateurs légaux des biens de leur enfant et en ont la jouissance légale, s’ils n’ont pas été déchus de leurs droits parentaux. 

L’administrateur ad hoc se doit d’agir dans l’intérêt de l’enfant qu’il représente et ce, en toutes occasions et notamment lorsqu’il reçoit des fonds. Aussi, une pratique généralisée des juges des tutelles est d’autoriser l’administrateur ad hoc à placer les dommages-intérêts alloués à l’enfant sur un compte ouvert à son nom et bloqués jusqu’à sa majorité et cela, au regard des articles 382 et suivants du Code civil qui confèrent aux parents la jouissance des biens de leur enfant jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 16 ans. Une position dissidente a été de répondre que « désigné par un juge pénal et n’ayant pas de dossier ouvert au nom de l’enfant, il m’était expressément demandé d’envoyer le chèque au représentant légal » qui, en l’occurrence était l’auteur des violences et le débiteur de la créance.

Par ailleurs, du point de vue de l’administrateur ad hoc, cette pratique est conseillée, s’il ne veut pas voir sa responsabilité engagée par l’enfant, une fois devenu majeur, si les fonds ont été dilapidés par ses parents.

Il suffit de constater que nombre d’administrateurs ad hoc sont désignés pour recouvrer des sommes indûment soustraites par les parents.

Dans un cas d’espèce, une mère m’a adressé un certificat du juge des tutelles qui mentionnait qu’en sa qualité d’administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens de son enfant, elle pouvait en cette qualité et sans justifier d’aucune autorisation recevoir les fonds dus à son enfant. Aussi, me demandait-elle au vu de ce certificat de lui faire parvenir le montant des dommages-intérêts que j’avais perçu pour son fils, ce que je fis par l’intermédiaire du juge des tutelles. Sa déception fut grande et sa colère envers nous autant, lorsqu’elle a voulu utiliser, sans succès parce que bloqués, ces fonds pour l’achat d’un salon.  

Certains magistrats auditionnent les parents pour connaître leur position à ce sujet. Une position dissidente est de demander à l’administrateur ad hoc d’établir, voire même d’alléguer une incapacité quelconque de l’administrateur légal à placer et à gérer les fonds revenant au mineur.

Question : est-ce de la compétence de l’administrateur ad hoc de porter un jugement sur la capacité des parents à administrer le patrimoine de leur enfant ? En cas d’évaluation négative, ne risque-t-il pas de se voir poursuivi en diffamation par les parents ?

En l’espèce, refusant de faire droit à de telles demandes, il est statué à nos requêtes par un rejet pour défaut de qualité et nous sommes invités à remettre les fonds en cause à l’administrateur légal.

Parfois, l’intérêt de l’enfant ne justifie pas un tel placement des fonds, notamment lorsqu’il a besoin de suivre une thérapie.

Mais en aucun cas, l’administrateur ad hoc ou son avocat ne doit adresser au mineur les dommages et intérêts qui lui ont été alloués.

Je conclurais ce point par cette remarque : nous n’avons aucune vocation légale à gérer cette indemnité. Notre mandat s’arrête au placement des fonds. Or, il est parfois demandé, voire exigé, aux administrateurs ad hoc, non seulement de procéder au placement des fonds mais également de veiller à la bonne gestion de l’indemnité.

3°) L’art. 706-53 CPP : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ( L. n° 98-468 du 17 juin 1998 )

« Au cours de l’enquête ou de l’information, les auditions ou confrontations d’un mineur victime de l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d’un psychologue ou d’un médecin spécialistes de l’enfance ou d’un membre de la famille du mineur ou de l’administrateur ad hoc désigné en application de l’article 706-50 ou encore d’une personne chargée d’un mandat du juge des enfants. »

Ce texte, institué par la loi du 17 juin 1998, a légalisé la présence d’un tiers lors des auditions et confrontations du mineur victime.

Cette disposition mérite quelques commentaires critiques. Tout d’abord, son application est limitée :

·aux infractions mentionnées à l’art. 706-47 CPP, c’est-à-dire :

-  au meurtre ou assassinat de mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou actes de barbarie. Infraction inapplicable en l’espèce de par le décès de la victime

- viol commis par violence, contrainte, menace ou surprise (art. 222-23 CP)

- exhibition sexuelle (art. 222-32 CP)

- le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur ou le fait d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe (art. 227-22 CP)

-  les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de plus de 15 ans et non émancipé par le mariage commises par un ascendant ou par personne ayant autorité (art. 227-27 CP).

Les atteintes sexuelles commises sur mineur de 15 ans ainsi que la maltraitance physique sont exclues du champ d’application de l’art. 706-53 CPP. En d’autres termes, la présence d’un tiers aux auditions, confrontations n’est pas un droit pour ces enfants victimes.

· aux 2 premières phases du processus pénal : enquête préliminaire et instruction, non à la phase de jugement.

Ensuite, ce tiers peut être  :

- soit un psychologue ou un médecin spécialistes de l’enfance

- soit un membre de la famille du mineur

- soit un administrateur ad hoc désigné par le procureur de la République ou le juge d’instruction

- soit une personne chargée d’un mandat du juge des enfants

Un seul d’entre eux peut être présent. Il n’y a pas prééminence de l’un par rapport à l’autre. Il revient donc au procureur de la République ou au juge d’instruction de choisir l’accompagnateur de l’enfant parmi cette liste.

Il s’ensuit que l’administrateur ad hoc qui est partie à la procédure, qui devra faire des choix au nom de l’enfant et conformément à son intérêt peut se trouver évincé de ces moments forts de la procédure pénale. Au regard de la mission qui lui est impartie : action civile et protection des intérêts de l’enfant victime, il aura des choix à faire pour lesquels il peut engager sa responsabilité. Ne doit-il pas bénéficier d’un statut particulier au regard des personnes énumérées et avoir prééminence sur les autres en raison de sa mission particulière. Il est partie à la procédure et non simple « témoin taisant ».

De plus, le texte ne précise pas la nature du mandat confié par le juge des enfants. Ainsi, dans le cadre de son mandat, l’administrateur ad hoc peut avoir affaire à deux sortes d’éducateur, l’un chargé d’une mesure de protection, l’autre chargé d’une mission d’accompagnement.

Quant aux modalités pratiques, la présence de ce tiers peut être décidée à l’initiative du procureur de la République ou du juge d’instruction. Ces magistrats n’ont pas à solliciter l’accord de l’enfant victime comme certains le font. Par ailleurs, le mineur ou son représentant légal (parent ou tuteur) peut en faire aussi la demande. En ce cas, le magistrat doit faire droit à cette demande. Il est regrettable que l’administrateur ad hoc ne soit pas autorisé par le texte à en faire lui-même la demande au magistrat. Cela se justifie d’autant plus lorsque l’enfant est jeune ou immature et lorsque le représentant légal est lui-même mis en examen en tant qu’auteur présumé.

Quant au choix du tiers, seuls les magistrats peuvent en décider (à l’instar de la désignation de l’administrateur ad hoc).

La présence d’un tiers n’est donc pas obligatoire et cela relève principalement du pouvoir discrétionnaire des magistrats.

La finalité de ce texte est de reconnaître à l’enfant victime :

 -  le droit de ne pas être seul au cours de la procédure

-   le droit de bénéficier d’un soutien moral

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 3 octobre 2001, que cet article était écrit dans l’intérêt de l’enfant victime.

Or, de plus en plus de magistrats instructeurs convoquent l’administrateur ad hoc en tant que partie civile tout en refusant sa présence. Les arguments avancés sont les suivants :

leurs seuls interlocuteurs valables : l’enfant et l’avocat. C’est ni plus ni moins, considérer l’administrateur ad hoc comme un prête-nom, permettre à l’enfant d’être assisté d’un avocat. Il est relégué à un rôle purement administratif.

permettre à l’enfant d’avoir une parole libre au regard du conflit familial. Cela revient à le confondre avec le parent. Or, s’il se substitue aux parents, il n’est pas un des parents. Il est neutre, indépendant par rapport au litige.

-  Il n’a pas à avoir plus de droit que les parents, dans la mesure où les auditions se font hors leur présence. Certes, mais cette disposition pénale ne traite pas l’administrateur ad hoc de la même manière. Le parent peut seulement demander la présence d’un tiers sans pouvoir assister lui-même à l’audition. En effet, le texte fait référence au représentant légal comme demandeur et à un membre de la famille comme tiers pouvant être présent.

Que penser de cette convocation à partie civile reçue avec la mention en caractères gras « Votre présence, lors de l’audition, n’est pas requise » et du PV de 1ère audition qui s’en est suivi où l’enfant est seul avec l’avocat mandaté par l’administrateur ad hoc, précisant que la partie civile est avisée de son droit de formuler une demande d’acte ou de présenter une requête en annulation durant le déroulement de l’information ?

Une telle conception n’est pas sans conséquences :

- des enfants nous reprochent de les avoir abandonnés

- des avocats fonctionnent de manière indépendante, voire nous excluent de la procédure

Il est apparu évident pour nombre de personnes, que la mission de l’administrateur ad hoc allait bien au-delà de celle fixée par les textes : l’action civile. De par la qualité de la victime et de la nature de la procédure, l’aspect humain s’est avéré primordial et indissociable de l’aspect juridique.

Tous les professionnels confrontés aux problèmes de maltraitance intra-familiale insistent sur la fragilité et la solitude de ces enfants, les pressions et manipulations qu’ils subissent, leur besoin d’être écouté, accompagné et protégé. Ils souffrent fréquemment de troubles psychologiques ou psychiques qui se manifestent de diverses manières : tentatives de suicide, fugues, agressivité, instabilité, troubles du sommeil, mutisme, échec scolaire…

Aussi, il est impératif qu’une fois désigné, l’administrateur ad hoc établisse une relation de confiance avec l’enfant, l’informe qu’il est là pour lui, dans son intérêt, pour l’accompagner tout au long de la procédure. Cela suppose qu’il s’engage avec volonté et discernement. La confiance n’est jamais automatique. Elle se gagne pas à pas, au quotidien. De plus, elle comporte toujours une prise de risque. Elle exige de mettre en accord les paroles et les actes, c’est-à-dire de faire ce que l’on dit, et dire ce que l’on fait. Elle appelle aussi la cohérence, la transparence, c’est-à-dire la nécessité d’expliquer, d’exposer les critères de décision. Enfin, elle suppose une bonne intégrité personnelle : savoir dire non, expliquer pourquoi, ne pas accepter les dérives, les amalgames, les solutions contraires à l’intérêt de l’enfant. Ainsi, l’administrateur ad hoc ne doit pas se laisser manipuler par l’enfant qui peut essayer d’obtenir de lui ce qu’il ne peut pas des autres intervenants, notamment de ses éducateurs. Il doit en ce cas, être vigilant, se positionner très clairement par rapport à la demande de l’enfant, tout en l’assurant que sa confiance n’est pas remise en cause.

Les auditions, confrontations, expertises et procès pénal sont des temps judiciaires particulièrement forts sur le plan émotionnel. Le concours de l’enfant victime à la manifestation de la vérité est nécessaire mais ces mesures prescrites sont susceptibles de raviver des souvenirs douloureux ou de provoquer de nouvelles meurtrissures en cas de dénégation ou de déclaration mensongère de l’auteur présumé. Là, l’administrateur ad hoc peut jouer un rôle important d’aide et de soutien, car l’enfant va passer successivement à des stades différents : de victime, il va devenir accusateur par sa révélation ; puis menteur lorsque les faits sont contestés ; puis de nouveau victime lorsque la contestation est forte et qu’il n’apporte pas la preuve de ce qu’il a subi.

L’administrateur ad hoc doit prendre le temps d’expliquer à l’enfant le rôle respectif de chaque intervenant dont le sien. Cette clarification est nécessaire afin d’éviter toute confusion. Ainsi, l’enfant sait très bien qui fait quoi et à quelle personne s’adresser en cas de demande particulière.

S’il est important de ne rien cacher à l’enfant des aléas de la procédure, d’être clair, authentique, il est également important d’utiliser un langage adapté, de choisir le moment et la manière. L’administrateur ad hoc ne doit jamais perdre de vue qu’il a en face de lui une personne très fragile accordant peu ou plus confiance à l’adulte.

Dans ce contexte, il est essentiel que l’administrateur ad hoc soit à l’écoute de la souffrance de l’enfant et ne lui impose pas ses choix de façon arbitraire. Il doit laisser ses préjugés, craintes, jugements de côté et savoir qu’un enfant qui n’est pas écouté ne parlera pas.

En matière d’inceste ou d’agression sexuelle, il est incontestable que la victime mineure attend plus de son administrateur ad hoc, qu’un rôle purement juridique. Cf témoignage de Malika, victime d’inceste.

Il m’est arrivé :

 - de témoigner en justice de la souffrance de l’enfant, de l’ambiguïté de la mère, des pressions et menaces exercées par la famille

-  de restituer des confidences reçues par l’enfant avec son accord, soit parce qu’il n’était pas libre d’exprimer son opinion, soit parce qu’il est incapable de le faire (sidération).

Par ailleurs, l’intérêt de l’enfant exige que l’administrateur ad hoc travaille en partenariat, en collaboration avec l’avocat mais aussi avec les travailleurs sociaux lorsqu’il y a une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou lorsque l’enfant est placé.

Mais le partenariat suppose une reconnaissance mutuelle et un rapport de forces qui ne traduise pas une dominance des uns sur les autres. Le partenariat suppose des qualités mais également de laisser « chacun bien identifié, à sa place mais en complémentarité à l’autre ».

La loi du 17 juin 1998 a confirmé d’une certaine manière cette conception du mandat : à la fois juridique et d’accompagnement. En effet, l’art. 706-50 CPP permet désormais au procureur de la République de désigner lui-même un administrateur ad hoc, c’est-à-dire dès la phase de l’enquête préliminaire. Il va de soi qu’à ce stade de la procédure, sa mission ne peut être juridique.

Par ailleurs, si l’on se réfère aux travaux préparatoires de la loi du 17 juin 1998 et à l’art. 706-53 CPP, il est demandé à l’administrateur ad hoc, par « sa présence », d’assurer le soutien moral et psychologique de l’enfant. Cette présence est également prévue dans le cadre de l’instruction, tant pour les auditions que pour les confrontations.

Le législateur en 1998 voulait que l’enfant victime ne soit pas seul dès le signalement :

-  en donnant pouvoir au procureur de la République de désigner lui-même un administrateur ad hoc dès la phase de l’enquête préliminaire

-  en faisant en sorte que des personnes compétentes soient à ses côtés au cours de l’enquête préliminaire ou de l’information, aux auditions et confrontation.

Or, on peut constater que dans nombre de juridictions, aucune de ces dispositions ne sont appliquées. Il s’ensuit que les enfants victimes ne font l’objet, ni d’une représentation, ni d’un accompagnement.

Nous touchons là aux limites humaines. Les textes sont là, c’est leur application qui fait défaut.

Je dirais même que les cabinets d’instruction nous sont fermés depuis qu’un texte légal a légalisé la possibilité d’autoriser la présence d’un tiers lors de l’audition du mineur victime.

4°) L’art. R 53-8 CPP

Ce nouvel article institué par le décret du 16 septembre 1999 exige que dans les 3 mois de l’achèvement de sa mission, l’administrateur ad hoc transmette à l’autorité qui l’a désigné, un rapport dans lequel sont détaillées les démarches effectuées pour l’exercice de sa mission ainsi que les formalités accomplies en vue du placement des sommes perçues par le mineur. S’il est facile de cerner l’objectif poursuivi par cette obligation, elle nécessite d’être précisée.

Le contenu du rapport doit se distinguer de celui qu’est tenu de rédiger l’éducateur chargé d’une mission d’assistance éducative conformément à l’article 375-2 du Code civil. Il s’agit ici pour l’administrateur ad hoc de retranscrire la fréquence de ses rencontres avec l’enfant, son avocat; sa présence aux auditions, confrontations, audiences pénales. Cette affirmation repose sur ce constat : l’obligation de rendre compte ne concerne que les mandats pénaux, seuls mandats pris en charge financièrement par l’Etat. Ainsi, le gouvernement a posé le principe d’un contrôle a posteriori de l’effectivité du travail de l’administrateur ad hoc, dès lors qu’il a accepté de l’indemniser.

Par ailleurs, cet article nous donne une information quant à savoir quand l’action civile prend-elle fin :

- au prononcé de la décision

- après l’exécution du jugement

Dans la mesure où l’action civile a pour finalité de demander réparation du préjudice subi, par l’attribution de dommages-intérêts, la logique juridique voudrait que la mission de l’administrateur ad hoc prenne fin après l’obtention intégrale de l’indemnité allouée au mineur.

Dans la mesure où l’administrateur ad hoc doit le cas échéant, informer le magistrat qui l’a désigné des formalités accomplies en vue du placement des sommes perçues pour le mineur à l’occasion de la procédure, cela inclut donc implicitement dans les attributions de l’administrateur ad hoc la phase d’exécution de la décision sur intérêt civil jusqu’à la perception et au placement des sommes attribuées au mineur.

En tout état de cause, le mandat prendra fin avec la majorité de la victime conformément à l’article 488 du Code civil : « La majorité est fixée à 18 ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile ».

Mais si la victime le demande, une mission de soutien peut se poursuivre jusqu’à l’audience pénale.

 

L’indemnisation de l’administrateur ad hoc

Si la justice est rendue gratuitement, les moyens de l’obtenir ne sont pas gratuits. L’administrateur ad hoc devra engager des frais pour exercer son mandat. Ils peuvent être conséquents en raison de la nature des procédures et de leur longueur. Jusqu’au décret du 16 septembre 1999, il n’existait aucun texte particulier prévoyant l’indemnisation de l’administrateur ad hoc. Plusieurs pistes ont été explorées reposant sur des textes généraux ou des règles spéciales mais aucun d’eux n’étant adapté à ce système, c’était par une interprétation parfois très large qu’ils étaient appliqués. Il va sans dire qu’un tel tour de force était synonyme de fragilité, pouvant être remis en cause à tout moment.

 

Selon le décret du 16 septembre 1999, les dépenses engagées par l’administrateur ad hoc, désigné sur le fondement de l’article 706-50 CPP, entrent dans la catégorie des frais de justice (art. R 92 CPP). Elles sont à la charge de l’Etat.

Par contre, celles engagées par l’administrateur ad hoc, désigné sur le fondement des textes civils (art 389-3 et 388-2 C. civ.), sont à la charge, soit de la partie condamnée aux dépens, soit de la partie indiquée par le juge qui a désigné l’administrateur ad hoc (assimilées aux frais de justice pénale).

Il s’ensuit que l’administrateur ad hoc a obligation dans la 1ère situation de transmettre au juge qui l’a désigné, un rapport de fin de mission dans lequel sont détaillées les démarches accomplies. Il s’agit d’un contrôle a posteriori de la manière dont a été exercé le mandat.

Cette indemnité est forfaitaire quel que soit le montant des frais exposés par l’administrateur ad hoc. Ce dernier n’a donc pas à le chiffrer précisément lorsqu’il fait sa demande d’indemnisation. De même, les magistrats ne peuvent le majorer ou le minorer.

Le barème selon l’art. R 216 CPP est le suivant :

- désignation par le procureur de la République dans le cadre d’une enquête préliminaire uniquement ou pour intervenir devant le tribunal correctionnel saisi sur citation directe = 228,67 €

- désignation par la juridiction de jugement pour représenter un enfant durant la phase de jugement, voies d’appel comprises = 152,45 €

- lorsque les frais (plutôt faits) ont donné lieu à l’ouverture d’une information devant le juge d’instruction = 381,12 €.

Lorsqu’il y a plusieurs enfants d’une même fratrie, l’indemnité est réduite de 50 % pour chaque enfant à partir du 2ème.

Si les 2 premiers points sont clairs, règne une ambiguïté à propos du dernier. Le texte ne fait pas référence à la qualité du magistrat. On peut avancer l’idée que la désignation peut émaner aussi bien du procureur de la République que du juge d’instruction. Mais peut-on aller jusqu’à inclure la phase de jugement dans la mesure où il est fait référence à une phase du procès pénal, à savoir l’instruction ? Quid alors de la phase de jugement ?

Est-il normal, équitable, que l’administrateur ad hoc perçoive la même indemnisation :

-  lorsque son mandat se limite à la phase d’instruction uniquement et lorsqu’il se prolonge par la phase de jugement, voire de la phase d’appel, notamment après appel d’un arrêt de condamnation rendu par la cour d’assises où là, il doit se rendre dans un autre département.

- lorsque son mandat est de quelques semaines, voire quelques jours et lorsqu’il dure plusieurs années (3 à 5 ans en moyenne).

Cette indemnité a vocation à couvrir l’ensemble des frais exposés pour la défense des intérêts du mineur. Or, le constat est le suivant : le financement des mandats judiciaires est insuffisant au regard de la durée des mandats et de la multiplicité de nos interventions. Aux frais de déplacement et de secrétariat, il faut inclure les frais de formation, d’assurance et de supervision.

Aucune autre indemnité ne pouvant être allouée à l’administrateur ad hoc par l’Etat, il lui reste la possibilité de demander lors de l’audience, une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles (art. 700 NCPC, art. 375 et 475-1 CPP), qui sera à la charge de la partie condamnée aux dépens ou à défaut, la partie perdante. En ce cas, il faut compter :

- avec le pouvoir d’appréciation de la juridiction pour vous l’accorder ou la refuser, au nom de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée

- avec le bon vouloir des avocats pour vous la rétrocéder.

Certains administrateurs ad hoc obtiennent le remboursement de leurs frais de déplacement en plus de l’indemnité forfaitaire.

Cette interprétation restrictive peut avoir un effet pervers et se révéler contraire aux intérêts de l’enfant. En effet, le risque est que l’administrateur ad hoc n’use pas des voies de recours qui lui sont offertes.

Une autre conséquence est que certaines structures ne peuvent faire appel qu’à des bénévoles pour exercer les mandats.

On ne peut dès lors, que regretter que le gouvernement n’ait pas pris comme base de référence, les phases du procès : enquête préliminaire, instruction, jugement, appel, cassation, à l’instar de ce qui existe pour les avocats.

Au regard d’autres mesures, le montant de l’indemnisation de l’administrateur ad hoc est dérisoire.

Par exemples :

- une enquête sociale d’une durée de 3 mois, ordonnée par un juge aux affaires familiales est rémunérée en moyenne 800 € pour une intervention d’environ 25/30 heures. A ce forfait s’ajoutent les frais de déplacement.

- une mesure de réparation pénale d’une durée de 4 mois est payée en moyenne 650 €. Les frais de déplacement sont compris dans ce forfait. Elle comprend 3 à 5 interventions d’un travailleur social en moyenne.

- une mesure d’investigation et d’orientation éducative, d’une durée de 6 mois est payée en moyenne 2.600 € sous la forme de prix de journée. Les frais de déplacement sont inclus dans le montant du prix de journée. Elle comprend une dizaine d’interventions d’un travailleur social, une rencontre avec un médecin psychiatre et 2 rencontres avec un psychologue en moyenne.

Une demande de provision est prévue à l’art. R 216-1 CPP

Plusieurs conditions doivent être réunies pour solliciter une provision auprès du juge d’instruction :

- nécessité d’une information judiciaire

- de la compétence exclusive du juge d’instruction

- l’administrateur ad hoc doit la demander

- délai minimum de 6 mois après sa désignation

- obligation de transmettre un rapport récapitulant les démarches effectuées et les formalités accomplies

- montant maximum = 228,67 €.

Lorsque l’administrateur ad hoc est désigné sur le fondement des textes civils, l’indemnité forfaitaire est de 152,45 €.

Il est coutume de dire que le processus judiciaire constitue un véritable parcours du combattant pour la victime. Ce fût le cas pendant une dizaine d’années pour les administrateurs ad hoc non salariés d’une structure, pour obtenir l’indemnisation de leurs frais. Mais force est de constater que malgré le décret du 16 septembre 1999, nombre d’administrateurs ad hoc restent des mendiants impénitents, à savoir :

- solliciter auprès des Conseils généraux le financement complémentaire de leurs mandats. Cf « note sur les difficultés économiques structurelles posées par les missions d’administration ad hoc » SISAE.

- nombre de demandes d’indemnisation ont plus de 2 ans.

Certaines structures ont cessé d’exercer des mandats, en raison du déficit chronique. L’implication des Conseils généraux est variable d’un département à l’autre (Chrysallis perçoit une subvention annuelle de fonctionnement de 4600 € depuis 3 ans pour 58000 €, 69000 €, voire 240000 € dans d’autres départements). Leur soutien est fragile, pouvant être remis en cause chaque année

Le constat

Il n’existe aucun consensus en la matière : on voit tout et son contraire, d’un département à l’autre, d’une juridiction à l’autre, d’une structure à l’autre, voire d’un professionnel à l’autre. Voltaire parlant de la France sous l’Ancien Régime, disait que le voyageur y changeait de droit aussi souvent que de chevaux. On pourrait fort bien reprendre cette formule en ce qui concerne l’exercice des droits des enfants par un administrateur ad hoc.

Cela se retrouve à tous les niveaux : > lors de sa désignation :

> à propos du contenu du mandat

> à propos de son financement

Objectifs

> revoir la procédure d’agrément afin de permettre aux enfants une représentation indépendante du pouvoir judiciaire

> uniformiser les pratiques : cela concerne les

- magistrats

- administrateurs ad hoc

- avocats

> professionnaliser :

- donner les moyens intellectuels, matériels et financiers aux administrateurs ad hoc.

- en raison des exigences de compétence, de disponibilité et de responsabilité, ce mandat ne peut plus être exercé de manière bénévole.

- pour atteindre 2 objectifs essentiels : compétence et pérennisation  

Le procès d’Outreau a mis en exergue le problème de la partialité de divers intervenants, notamment le Conseil général du Pas de Calais, désigné administrateur ad hoc des enfants victimes. Dès qu’un enfant révèle des faits d’agression sexuelle qu’il dit avoir subis, tout professionnel doit s’interroger sur le sens de sa parole : qu’a-t-il voulu dire précisément ?

Ce thème intéresse l’administrateur ad hoc et pose la problématique de sa place dans la procédure et du contenu de sa mission ; par extension de la revalorisation de son mandat.

En d’autres termes, il convient de le doter d’un véritable statut juridique et financier